L’IVG menacée : un dossier de Pratiques

L’accès à l’interruption volontaire de grossesse est menacé. A Paris et en province, des centres d’IVG ferment, des médecins et des infirmières ne sont pas remplacés, des moyens sont supprimés. Relayant l’article paru dans "le Monde" en octobre 2009 (1), nous alertions sur le démantèlement de l’offre d’IVG à l’assistance publique de Paris (2), c’est maintenant l’équipe du Planning familial de l’hôpital d’Orléans qui tire la sonnette d’alarme en informant l’ANCIC(3) de sa disparition programmée. Il y a 30 ans, les femmes ont durement acquis le droit de disposer de leur corps grâce à la contraception et l’IVG, aujourd’hui l’accès à ce droit se restreint chaque jour.

1) article de Maud Gelly, Béatrice Fougeyrollas, Emmanuelle Lhomme, Maya Sudurts, Nora Tenenbaum dans le Monde du 16 octobre 2009 /(en pièce jointe)/
2) articles de Marie Kayser et de Martine Lalande et Christian Bonnaud dans Pratiques 48 de janvier 2010 page 94
3) Association Nationale des Centres d’Interruption de grossesse et de Contraception : http://www.ancic.asso.fr/

IVG : un dossier de Pratiques.

Textes joints :

1) Rapport de l’IGAS : Communiqué du Planning familial


4, Square St Irénée ?? F75011 Paris ?? Tel +33 (0)1 48 07 29 10 ?? Fax +33(0)1 47 00 79 77 ?? www.planning-familial.org

Communiqué de Presse, 25 janvier 2010
L’IGAS NE PUBLIE PAS SON RAPPORT SUR L ‘APPLICATION DE LA LOI SUR L IVG ? POURQUOI ?
Le Mouvement Français pour le Planning Familial, a été sollicité fin 2008 par l’IGAS dans le cadre de la réalisation de l’état des lieux de l’application de la loi de 2001. Il a reçu longuement les deux enquêtrices, Mme Claire Aubin et Mme Danielle Jourdain-Menninger, et leur a fourni des données précises quantitatives et qualitatives sur la contraception et l’IVG au niveau national et départemental, en particulier sur les évolutions constatées.
Aujourd’hui plus de d’un an après, le Planning Familial s’étonne que le rapport concernant cette enquête ne soit toujours pas publié, qu’aucune conclusion ne soit rendue publique alors que l’application de cette loi dans le contexte des restructurations hospitalières , de l’application de la T2A et de la mise en oeuvre anticipée de la loi HPST, rend l’accès des femmes à l’avortement de plus en plus fragilisé.
La publication de l’enquête de la DRESS sur les conditions de pratiques des IVG concernant un échantillon restreint d’établissements pendant la période avril-juin 2007 ne saurait suffire.

Le Planning Familial demande donc l’accès aux données du rapport de l’IGAS de toute urgence afin que soit établi l’état des lieux concernant les CIVG, et que l’information au public, délivrée par les permanences téléphoniques soit adaptée.

Contact : MFPF : 01 48 07 29 10 /communication@planning-familial.org


2) Orléans :

a) Fermeture programmée du centre de planification de l’hôpital d’Orléans :
_ il n’y aura plus d’accompagnement pour les femmes venant faire leurs IVG
Le Conseil Général du Loiret a dénoncé la convention qui le liait au Centre Hospitalier Régional d’Orléans pour le centre de planification et d’éducation familiale, au prétexte qu’il subventionne un centre de planification en ville. Ainsi, perdant son financement, le centre de planification de l’hôpital ferme définitivement le 5 février 2010, ce qui entraînera inévitablement un démantèlement de la prise en charge des IVG et une absence totale d’accompagnement et de prévention sur place ! Puisque l’hôpital ne maintient que les médecins et une secrétaire à mi temps pour une question de rentabilité.
Le CIVG d’ Orléans réalise 1400 IVG (dont 6% chez des femmes mineures), 6600 accueils, entretiens pré et post IVG, infos contraceptions, tests de grossesse...des actions de prévention dans les collèges et les lycées...! Mais il perd ainsi ses moyens d’accompagnement des femmes et de travail de prévention.
Le personnel réagit : le 5 février, les médecins refuseront de prendre en charge les IVG médicamenteuses.

b) Lettre de l’ANCIC au directeur du Centre hospitalier d’Orléans


Association Nationale des Centres d’Interruption de Grossesse et de Contraception
Chez Mme Marie Laure BRIVAL
12 Bd.Richard Lenoir
PARIS 75011
http://www.ancic.asso.fr
Objet : fermeture du CPEF du CH d’Orléans

Copie : Mr le Directeur de l’ARS
_ Pr SALIBA, président de la Commission Régionale de la Naissance

Tours, le 23 janvier 2010

Monsieur le Directeur du Centre Hospitalier d’Orléans,

Au nom de l’ANCIC, nous tenons à vous faire part de notre indignation eu égard à la situation critique dans laquelle se trouve le centre IVG de votre établissement.

Informés de la fermeture prévue du CPEF du centre Hospitalier d’Orléans, suite au désengagement du Conseil Général, il nous parait indispensable de réagir compte tenu de la désorganisation attendue de la prise en charge des IVG sur l’orléanais.

Nous tenions à vous rappeler que l’IVG relève de la compétence de l’Etat et que tout établissement de soins disposant de lits de gynécologie se doit d’en assurer la prise en charge. La planification, quant à elle, relève de la compétence du Conseil Général et dans l’intérêt des femmes et des couples, l’exercice conjoint de ces missions est indiscutablement indissociable.
L’IVG, à ce jour, est un acte médical auquel un ensemble de personnels doit être associé pour en assurer une prise en charge adaptée ; personnel psycho social dont les conseillères conjugales et familiales font partie ainsi qu’un personnel de secrétariat formé et une ligne téléphonique dédiée.

La disparition attendue du personnel du CPEF met en évidence le manque criant de personnel hospitalier dédié à la prise en charge de l’IVG et l’absence d’implication de votre établissement dans cette activité. Cette situation et les énormes disparités régionales ont été pointées en Commission Régionale de la Naissance depuis de nombreuses années.
Ainsi, avant de remettre en question le regrettable désengagement du Conseil Général, il nous semble urgent que vous donniez au Centre IVG les moyens de fonctionner au regard des besoins de la population orléanaise.

Si vous démontrez que votre Centre IVG est doté d’un personnel suffisant et adapté pour l’accueil et la prise en charge de l’IVG, il nous semble légitime de mettre le Conseil Général face à ses responsabilités et de réclamer la réouverture d’un CPEF dans votre établissement afin que les femmes y trouvent une prise en charge globale de régulation des naissances. Dans l’hypothèse, que nous espérons improbable, où le Conseil Général refuserait, nous serions à vos côtés pour soutenir votre démarche et dénoncer ce désengagement.

Dans l’attente de cette réorganisation du Centre IVG d’Orléans, recevez, Monsieur le Directeur, nos salutations distinguées.

Pour le Bureau de l’ANCIC, Dr N Trignol-Viguier,
médecin référent du Centre d’Orthogénie du CHU de Tours,
membre de la CRN du Centre.

Il semble qu’Orléans ne soit pas un cas isolé : le personnel de planification des centres d’IVG qui est subventionné par les Conseils Généraux va disparaître au profit de financement d’autres structures en ville...ce qui va à l’encontre de la prise en charge globale dans les centres d’IVG comme ceux qui sont réellement autonomes et font de la contraception et des IVG et s’occupent de l’accueil et de l’accompagnement des femmes. On va demander aux hôpitaux de faire des IVG en nombre sans prise en charge particulière, et aux centres de planification à l’extérieur de l’hôpital de faire de l’information sur la contraception et des IVG médicamenteuses.

3) Bobigny (texte de la pétition) :

Le centre d’IVG de l’hôpital Avicenne à Bobigny est menacé de
fermeture

NON à la fermeture du Centre d’Interruption Volontaire de Grossesse (C.I.V.G) de l’hôpital AVICENNE à BOBIGNY

La loi « Hôpital, Patient, Santé, Territoire » entraîne un plan de restructuration de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sur 2010-2015 qui prévoit « la concentration des moyens » impliquant le regroupement de certains services. L’AP-HP envisage la fermeture du CIVG d’Avicenne et son regroupement au sein du CIVG de Bondy. Les décisions à cet égard seront rendues courant 2010.

Cette situation est très alarmante et nécessite toute notre vigilance.

Le maintien des 2 centres IVG de Bondy et de Bobigny est nécessaire. La suppression d’un de ces 2 lieux de proximité serait préjudiciable aux femmes en demande d’IVG :
- Ceci rendrait leur parcours de plus en plus compliqué. En effet, chacun de ces 2 centres dessert un bassin géographique spécifique et distinct, peu accessible transversalement par les transports publics.
- Les délais d’attente, déjà souvent trop longs, risqueraient d’augmenter encore et de renvoyer les femmes hors des délais légaux, empêchant la réalisation de leur IVG.

Dans ces 2 hôpitaux et depuis leur création, ces centres IVG offrent aux femmes, mineures comme majeures, outre un accès à l’avortement et à la contraception, un service d’écoute, d’information et de prévention. Ces centres sont nécessaires et fondamentaux et la fermeture de l’un d’entre eux serait une entrave au libre choix et à l’accessibilité des femmes au droit à l’avortement inscrit dans la loi.

Nous nous opposons au regroupement de ces 2 centres, impliquant la fermeture de l’un d’entre eux, et exigeons le maintien des moyens nécessaires pour garantir une offre d’IVG suffisante et diversifiée en Seine-Saint-Denis.

Janvier 2010

Signez la pétition : http://jesigne.fr/nonalafermetureducivgdavicennes

4) Mail interne de l‘APHP :

Pendant ce temps, la direction de l ‘Assistance Publique des Hôpitaux de Paris s’ingénie à convaincre, dans un mail interne, que l’offre de soins en matière d’IVG ne diminuera pas, mais sera seulement restructurée…voici son message, diffusé à son personnel :

« IVG : Pas de diminution de l’offre de soins à l’AP-HP

Alors qu’elle n’assure que 19 % des naissances, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris prend en charge, au sein de ses différents centres d’orthogénie* ou dans ses services de gynécologie, 22 % des IVG** pratiquées en Ile de France.

Depuis 2001, la loi autorisant depuis lors que l’IVG médicamenteuse soit pratiquée en ville, les IVG, après une forte croissance des interventions jusqu’en 1996, connaissent un léger recul. Cette évolution, qui permet une augmentation de l’offre globale, s’accompagne d’un fléchissement assez sensible du recours à l’IVG instrumentale (66,7% des actes en 2008 contre 80% en 1996) pratiqué en milieu hospitalier et, face à cette évolution, AP-HP doit adapter son organisation pour pallier une certaine disparité en termes de prise en charge : 7 centres seulement sur 18 pratiquaient jusqu’à fin 2008 toutes les techniques disponibles en un même lieu, ce qui ne permettait pas une réponse adaptée aux besoins des patientes.

C’est dans ce contexte ou l’AP-HP doit répondre de sa mission de service public qu’on été opérés cette année certains transferts d’unités selon un cahier des charges qui fait obligation à la fois de ne pas diminuer le volume d’activités et de proposer aux femmes l’ensemble des techniques existantes :
- l’activité modeste de Jean Rostand a rejoint le centre de Bicêtre au moment de l’ouverture de la nouvelle maternité (mai)
- Tenon ( qui maintient une antenne d’accueil et d’orientation) s’est regroupé avec le centre d’orthogénie de Saint Antoine (juillet)
- Broussais dont les activités hospitalières sont en cours de redéploiement vers les autres hôpitaux de l’AP-HP, a été transféré à Cochin/Saint Vincent de Paul (septembre)

Parallèlement, l’orthogénie va bénéficier de la recomposition globale de l’offre sanitaire de l’AP-HP autour des 12 nouveaux groupes hospitaliers d’ici 2011 : chaque groupe hospitalier devra en effet disposer d’un centre d’IVG, de telle façon que sur un même territoire un niveau d’activité au moins équivalent à ce qu’il est actuellement soit proposé ainsi que tous les modes d’intervention (IVG chirurgicale sous anesthésie générale ou locale, IVG médicamenteuse)
Ainsi, la prise en charge d’orthogénie à l’AP-HP ne sera pas diminuée mais progressivement réorganisée pour offrir aux femmes une prise en charge plus complète et plus sûre.

*16 centres d’IVG en nov 2009 : 9 à Paris ( Bichat, Cochin, Lariboisière, Pitié-Salpétrière, Robert Debré, Saint-Antoine, Trousseau, Saint-Louis)
et 7 en petite couronne (Avicenne, Béclère, Beaujon, Bicêtre, C.Celton, HEGP, Jean Verdier, L.Mourier

** 12 423 IVG en oct 2008

Voir également les études de la DREES (Direction de la recherche, des
études,de l’évaluation et des statistiques),http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/doc.htm. »

Commentaire :
Les arguments utilisés ne sont pas convaincants :
Ce n’est pas parce que l’on a diminué l’offre de soin en maternité qu’il faut en faire de même en matière d’IVG
L’autorisation de faire des IVG médicamenteuses en ville n’est pas une solution pour faire moins d’IVG à l’hôpital : il s’agit de deux offres différentes, et seules 7% des IVG sont faites par médicaments en ville.
Le fait que l’on ne pratique pas toutes les techniques dans chaque centre n’est pas un problème. A Broussais, ils faisaient beaucoup d’IVG médicamenteuses et les faisaient très bien, à Louis-Mourier, on fait surtout des IVG sous AL mais presque partout ailleurs la plupart des IVG sont faites sous AG, il faut bien que certains centres proposent des AL et ce serait idiot d’imposer à L.Mourier de faire beaucoup d’IVG sous AG
Il est fait une confusion entre centres d’orthogénie et centres d’IVG, on ne sait plus qui fait des IVG et qui oriente seulement.
On voit bien que la restructuration des hôpitaux regroupés en grand pôles, en concentrant les moyens, ne va pas les étendre, au contraire, mais chercher à les rentabiliser en comprimant le personnel, ce qui n’aidera pas à assurer les différentes fonctions des centres d’IVG ni à assurer plus de sécurité pour les femmes, et en tous cas moins de lieux donc moins de choix.

mardi 9 mars 2010

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