Une contribution de Philippe Lorrain, médecin généraliste

Virus AH1N1v et Vaccination antigrippale : Que peut-on dire ?


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Ce petit texte n’a pas d’ambition doctrinale et n’était pas destiné a priori à la publication. Il ne faisait que répondre à la nécessité, partagée par un certain nombre de mes collègues et amis, d’essayer de mettre nos idées au clair, dans le climat régnant de confusion ambiante sur le sujet, dans le but ultérieur de faire publiquement part de notre position, qui n’exclut pas des interrogations.

La revue Pratiques qui, en tant que vecteur de nos discussions, en a eu connaissance, a souhaité le publier tel quel, sous sa forme d’origine d’une suite de notations, entrecoupées de témoignages sur cas concrets.

Soignants, patients, vous avez votre opinion, votre expérience, vous nourrissez également doutes et interrogations. Faites en part, réagissez en répondant en fin d’article, en utilisant la formule forum.

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Petit point à usage personnel, que je me suis fait sur le sujet, dans l’état actuel de mes réflexions… et de ma pratique récente !

D’accord pour communiquer au sujet de la pandémie. Mais que dire ? :

 ? non à la "politique de la peur" qui n’est pas productive en matière de santé publique... mais sans tomber dans le piège d’un « discours de la peur de la vaccination »

 ? dénoncer les labos qui, parce qu’ils ne mettent pas en commun leur savoir faire (chacun protégeant ses brevets) continuent à bricoler, chacun dans leur coin leurs « produits » dont on suppose bien qu’ils ne sont pas équivalents+++, donc souligner les dangers du néo-libéralisme en matière de santé

 ? dénoncer l’opacité de la « campagne » : le seul article actuellement à peu près utilisable pour conseiller les gens est celui de Prescrire sorti cette semaine... ni les labos, ni les décideurs n’ont joué la transparence, c’est le moins qu’on puisse dire. Prescrire signale l’absence d’information de la part des labos

 ? dénoncer le caractère « militaire » de cette campagne/organisation de la vaccination par les Préfets... et en même temps son manque d’organisation. Les populations ciblées sont mal définies, il n’y a pas de cohérence d’ensemble : on va vacciner des « fragiles » (sur quels critères ? Qui fournira les fichiers ? La sécu fournira-t-elle son fichier ALD aux préfets ? Qu’en penserait alors la CNIL... etc.), des nourrissons de plus de 6 mois alors qu’on sait que la réponse vaccinale est mauvaise à cet âge, des professionnels « nécessaires » (pompiers, police, soignants...) ce qui a une certaine logique, mais on parle aussi d’équipes mobiles dans les collèges, mais il y a des gens qui souhaitent être vaccinés (j’en connais) et ne seront probablement pas convoqués...
Paradoxe du « militaire » et en même temps du grand désordre qui semble régner

 ? absence totale d’information aux relais « logiques » d’une telle campagne : que puis-je dire, moi qui en parle 15 fois par jour, peu de connaissance établie en face de beaucoup de doute... Je ne réclame pas du « pouvoir », mais de savoir le plus possible, d’être partenaire

 ? les collusions avec l’industrie et « l’épidémie qui masque la crise sociale » ne me paraissent pas les meilleurs arguments

 ? car, moi, je pense que la grippe n’est pas une si petite affaire que ça... j’ai un patient insuffisant respiratoire qui a été très mal, à la limite de l’hospi, 3 semaines de soins de kine et 1 mois d’arrêt de travail... Un autre est actuellement en soins intensifs (c’est aussi un fragile), tous les deux des quadra...

 ? le 1/1000 de cas grave permet de rassurer individuellement... « dans plus de 99% des cas c’est 5 jours de fièvre, repos à la maison, paracétamol et essayez de ne pas contaminer votre entourage », tout peut être vite fait en 10 ou 15 minutes... et « le Tamiflu dans votre cas ça sert à rien »

 ? mon boulot c’est de me préoccuper de mes "fragiles" pour lesquels je sais que la grippe pourrait être grave (j’en ai deux qui ont une prescription de Tamiflu « en cas » : l’un m’a dit qu’il souhaitait être vacciné, mais le sera-t-il ?). Nous ne pouvons pas prescrire ce vaccin ! (une « dame » de la mairie, volontaire pour participer à la campagne m’a dit qu’ils avaient « ordre » de refouler ceux qui n’auraient pas de convocation). Je pense réellement que pour certains de mes patients le risque d’une grippe est supérieur à celui d’une vaccination, même avec les incertitudes actuelles...

 ? les femmes enceintes, les patients VIH+, ceux sous chimiothérapie... ont reçu des consignes claires incitant à se faire vacciner : ils se sont fait vacciner contre la grippe saisonnière, comment leur dire que la « pandémique » c’est pas pareil et entrer dans un « double discours médical »... Les soigner, les aider c’est aussi tenter quand même la cohérence, sans pour ça la jouer « corps médical monolithe »... Il y a quelques précautions à prendre pour la diffusion d’une information qui leur est, d’abord à eux, adressée

 ? et les « poumons grippaux » j’en ai déjà vu deux, chez des sujets jeunes, sans facteur prédisposant (un qui est mort, c’était pendant mes études, il y a longtemps et un l’année dernière qui a survécu après 6 semaines de réa intensive et les complications redoutables secondairement d’une défaillance poly viscérale, probablement due à une surinfection)... mais bon, nous avons tous les mêmes

Si l’épidémie AH1N1v, (bien insister sur le « v », variant, puisque nous leur injectons une souche AH1N1 avec le vaccin saisonnier, c’est très déroutant pour eux, je leur fais lire la notice, qui mentionne aussi le mot de « Guillain Barré ») si l’épidémie, donc à H1N1, prend de l’ampleur, peut-être 10 fois plus que d’habitude, peut-être plus, peut-être moins, va savoir !... on va voir en 1 an autant de cas graves qu’en 10 ans ou 20 ans... et 10 ou 20 fois plus de décès ! C’est mon boulot de m’attendre à faire face à ça...

 ? et là je me dis que peut-être qu’il faut regarder du côté de la vaccination, je dis regarder, essayer de savoir vraiment

 ? dans les années 70 j’ai eu, pendant mes études, à suivre un jeune enfant atteint d’encéphalite rougeoleuse, un « légume », puis j’en ai revu un au début de mon exercice dans les année 80 : depuis, je suis plus vigilant pour conseiller la vaccination anti-rougeoleuse, ensuite j’ai connu 2 cas de surdité probablement secondaire aux oreillons... donc ROR, etc.

 ? conclusion : je suis pour une information qui prenne en compte la complexité

 ? sans oublier les tests de confirmation, comment y a-t-on accès, combien ça coûte, ça sert à quoi...

vendredi 13 novembre 2009

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