Un premier stage de médecine générale

en 5ème année de médecine

Ce stage s’est déroulé au sein du cabinet de groupe auquel appartient le Dr Martine Lalande, qui a réalisé l’interview de sa stagiaire, Morgane Aillet, dans le cadre de la réalisation du numéro 55 de Pratiques : quelle formation pour quelle médecine ? Morgane a passé trois mois le matin en stage à Gennevilliers. Elle a ainsi pu se confronter à la pratique propre à chacun des membres de ce cabinet : les Drs Claire Souverville, Nadja Pillon, Martine Lalande, Ouassila Querfani et Maxime Catrice, unis dans le respect des valeurs communes les ayant rassemblés en ce lieu : travailler ensemble, échanger, se soutenir dans la pratique, dialoguer avec les patients, respecter leurs rythmes et leurs besoins, les aider à accéder aux soins (par le tiers payant notamment, et les visites à domicile pour les plus fragiles) travailler en réseau (pour les patients malades du sida, ayant des problèmes avec les drogues, en situation de dépendance ou de handicap ou vivant en conditions précaires), prescrire à bon escient et sans conflits d’intérêt, se former avec les autres professionnels de la ville et de la région, accueillir et former des jeunes médecins, porter des projets de modification des pratiques et de lieux permettant l’accès aux soins...

Pratiques . Vous avez choisi de faire un stage en médecine générale au cours de votre deuxième cycle, est-ce parce que vous voulez devenir médecin généraliste ?


Morgane Aillet, étudiante en 5ème année de médecine

Effectivement, depuis quelques années le pôle de médecine générale universitaire de Paris Diderot ouvre de plus en plus de postes pour que les externes effectuent un stage en ville avant le fatidique choix à l’ECN (où sera déterminée définitivement notre spécialité médicale). Avec environ 51% des postes dédiés à la médecine générale et le manque de connaissance concernant la pratique quotidienne en médecine de ville ou rurale, beaucoup d’étudiants du second cycle ont fait le choix, comme moi, de réaliser un stage de 3 mois en cabinet, en réfléchissant de plus en plus à choisir cette spécialité en premier.
Pour certains, dans mon cas, c’est l’occasion de concrétiser une envie d’être plus proche du patient, de découvrir la médecine préventive, d’apprendre à connaître ce qu’est un réseau de soins, d’instaurer une relation médecin-malade de meilleure qualité, difficile à mettre en œuvre dans le cadre hospitalier où les interlocuteurs sont nombreux, voire de créer une vocation.
Pour d’autres, c’est l’occasion de mettre un terme au choix par défaut lors des ECN, mais également de cesser de dénigrer cette spécialité d’exception qui permet de suivre les patients d’un bout à l’autre de la vie, avec ses déboires et ses bonheurs.

Pratiques. Que pensez-vous de la pratique de vos maîtres de stage ? Est-ce différent de ce que vous avez fait à l’hôpital ? De ce que vous apprenez en théorie ?

J’ai eu la chance de suivre les consultations avec 4 maitres de stage, ce qui m’a permis d’en conclure qu’il y a autant de pratiques différentes que de médecins généralistes. Ainsi, chaque patient a le loisir de trouver le médecin traitant qui lui correspond le mieux.

Oui, c’est très différent de l’hôpital. Tout d’abord parce qu’au quotidien nous bénéficions d’un médecin diplômé qui a bien souvent plus d’expérience clinique que les internes des hôpitaux. Notre prise en charge est beaucoup plus personnalisée que dans le monde hospitalo-universitaire.
Concernant l’apprentissage théorique, j’ai, là encore, eu beaucoup de chance d’avoir des maitres de stage à jour sur les recommandations, conférences de consensus... mais également critiques sur la pertinence des nouvelles molécules mises sur le marché : typiquement, « les antibiotiques ne sont pas automatiques », « aucun sirop n’est réellement efficace contre la toux », « nous n’avons pas assez de recul pour renouveler votre ordonnance de tel nouveau médicament prescrit par un spécialiste (ex : médiator) ».


De gauche à droite : Claire Souverville, Nadja Pillon, Martine Lalande, médecins généralistes associées toutes trois lectrices émérites de la revue Prescrire

Pratiques. Vous aviez 4 maitres de stage, n’est-il pas difficile de s’adapter au style de chacun ?

Non, au contraire, cela permet d’observer plusieurs façons d’interagir face à un patient ou une situation délicat(e), de se poser la question : « et moi, comment aurais-je réagi ? » et de s’inspirer de chacun pour tenter d’adopter la meilleure prise en charge pour le patient.
En tant qu’externe, nous ne sommes pas encore spécialisés, notre expérience clinique est pauvre. De plus, nous sommes habitués à changer de stage, de professeur, d’équipe soignante, de locaux... tous les 3 mois. Donc le fait d’avoir plusieurs maîtres de stage a été un atout. On peut s’identifier à l’un pour tel geste, à l’autre pour telle prise en charge.
Enfin, j’ai effectué mon stage dans un cabinet médical où tous les maîtres de stage avaient des convictions concordantes pour soigner leurs patients.

Pratiques. Avez-vous été bien reçue par les patients ?

J’avais effectivement des doutes quant à mon accueil par les patients. Je me voyais m’immiscer au sein de leur relation privée avec leur médecin traitant qu’ils viennent voir parfois depuis des années ou qu’ils consultent exceptionnellement dans l’urgence pour des problèmes plus gênants comme : le traitement des infections génitales, venir parler de son burn out au travail...
En fait, en 3 mois d’exercice, seuls 2 patients ont refusé que j’assiste à la consultation, la première pour ne pas que je sache qu’elle voulait antidater une ordonnance. Comme quoi les raisons ne sont pas toujours celles qu’on aurait supposées être en tant qu’étudiant en médecine.
Avec la quasi-totalité des patients, les consultations se sont bien déroulées. Et dans certains cas, les patients ont même été très pédagogues envers moi, en m’expliquant eux-mêmes leur maladie et leurs traitements !


Maxime Catrice et Ouassila Querfani, médecins généralistes collaborateurs associés dans le même cabinet

Pratiques. Qu’avez-vous découvert pendant ce stage ?

Tout d’abord, on passe de l’autre côté du miroir, parce qu’avant d’être externe, nous avons tous été patients chez notre généraliste. On apprend le raisonnement clinique spécifique à l’activité de ville, qui tient bien plus compte du long terme qu’à l’hôpital.
On découvre également comment être polyvalent, car c’est la seule spécialité où l’on peut voir tous types de pathologies, de la méningite virale infantile au Horton du sujet âgé, en passant par le torticolis de fin de nuit. Pour un étudiant en médecine, cela signifie jouer à la loterie avec la totalité des items théoriques de l’ECN, parfois les entrecroiser, parfois les dépasser.
C’est ce qui me faisait un peu peur également au début, mais avec de bons maîtres de stage, on cerne rapidement la problématique de la consultation et même sans avoir appris initialement l’item correspondant, on peut trouver 80% de la prise en charge spécifique en raisonnant avec le maître de stage.
J’ai redécouvert les conseils "hygiéno-diététiques", que nous n’apprenons pas vraiment précisément dans les livres, mais qui sont indispensables à la pratique quotidienne et ce, quelle que soit la spécialité.
J’ai appris quelques gestes techniques : vaccination, otoscopie, streptotest, et la fameuse prise de tension manuelle.

Et certainement, une chose qu’il faut retenir pour plus tard : plus on écoute les patients, plus on est à même de répondre à leurs besoins de soins. Ainsi, s’instaure une relation de confiance qui nous permet, en tant que professionnel de la santé, de pouvoir à notre tour transmettre des conseils préventifs à un patient davantage attentif.

dimanche 13 novembre 2011

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