Sale temps pour les salariés

Il ne leur suffit pas de casser le Code du travail, pour plaire aux employeurs, en rendant le travailleur de plus en plus soumis aux lois de la productivité, voila qu’avec la complicité active et bienveillante de l’ordre des médecins il faut abattre les médecins du travail ultime rempart contre la souffrance au travail.

Le nombre de condamnations prononcées par les instances disciplinaires de l’ordre des médecins contre les médecins du travail ne cesse d’augmenter. La dernière en date contre le Docteur Karine Djemil est exemplaire (comité de soutien).

Cette femme médecin est condamnée à 6 mois d’interdiction d’exercer pour avoir fait le rapport entre une souffrance psychologique et un harcèlement sexuel au travail et, en plus, cerise sur le gâteau de l’humiliation, elle se voit imposer une expertise psychiatrique sous prétexte que son interprétation de ce qu’est le harcèlement sexuel serait délirante. Cette condamnation montre avec fracas la remise en cause du principe de protection inhérent à l’acte médical. Qu’un médecin n’ait plus le droit devant l’expression manifeste et documentée d’une souffrance au travail de faire le lien avec les conditions de travail sous prétexte qu’il ne peut en être témoin direct signifie tout simplement que cette protection n’existe plus. Le nombre de suicides en rapport avec les conditions de travail délétères ne cesse d’augmenter, les tribunaux reconnaissent le lien entre souffrance au travail et condition de travail en prononçant la condamnation des employeurs, mais l’ordre des médecins continue de pratiquer sa justice d’exception.

Nous voyons sans cesse dans nos cabinets de consultations nos patients s’effondrer, abattus par l’organisation pathogène du travail. Il est acquis après moult travaux de recherche que ce sont : la productivité, la flexibilité, le management, qui produisent la souffrance qui vient ensuite s’exprimer dans nos lieux de soins. Qu’elle est alors notre mission à nous soignants : endormir cette souffrance avec la prescription d’hypnotiques et anxiolytiques ou accompagner nos patients dans la reconnaissance des causes de cette douleur et les soutenir dans le besoin de réparation, chemin indispensable à suivre pour guérir.

Il n’y a pas de doutes à avoir, il faut continuer à faire le lien entre le travail et la souffrance parce que c’est la vérité n’en déplaise aux employeurs et à l’ordre des médecins et si, en plus, sexisme, machisme, et harcèlement s’ajoutent au reste, alors notre devoir est de dénoncer publiquement cette injustice, et refuser de se taire sous la menace de l’ordre des médecins.


vendredi 19 février 2016, par Didier Ménard

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