Fin

Le psychiatre de secteur ne l’est plus.
Enfin celui qui écrivait ce journal.
Quant aux autres, ils font comme ils peuvent, entre résistance, autisme, et collaboration servile ou volontaire, c’est à dire souffrance ou jouissance, selon leur positionnement citoyen.
Retraité depuis un peu plus d’un an, après une année à temps de plus en plus partiel pour éponger 9 mois de Récupération du Temps de Travail, je pensais pouvoir me consacrer à alimenter cette rubrique plus régulièrement. Mais j’ai constaté que sans pratique clinique, sans rencontrer de personnes aux prises avec des troubles psychiques déstructurants, sans être engagé auprès d’eux dans leur histoire, je ne sais que dire de la pratique psychiatrique. Ou du moins je ne me sens plus fondé à en dire quelque chose.

J’avais envisagé de continuer à temps très partiel de travailler au Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel du secteur, mais j’ai abandonné, à grands regrets, cette idée. Je ne pouvais plus travailler dans les conditions d’alors dans cet établissement, où la direction des soins décidait des orientations médicales, imposait que les projets médicaux se déduisent des projets de soin ”managériaux” (sic, et avec l’aval du directeur -”vous ne vous imaginez pas, j’ai tous les jours l’ARS au téléphone”), exigeait au nom d’une adhésion aux ”valeurs de l’établissement” une obéissance sans discussion aux orientations institutionnelles (les ”c’est comme ça et pas autrement”, ”si vous n’êtes pas contents vous pouvez aller ailleurs”, de l’encadrement infirmier, ou les ”ce courriel n’appelle pas de réponse” du médecin chef lorsqu’il ne voulait pas qu’on discute un de ses diktats), décidées dans le secret des réunions d’un triumvirat -direction administrative, direction des soins et direction médicale-. Certes les médecins sont en partie responsables, ici mais aussi nationalement, de cette situation -ici, pour avoir laissé le champ libre à la direction de mettre en place et de mener par le bout du nez un ”(sous-)directeur” médical sans discours, sans idées, sans courage, et sans respect de l’autre, et pire encore de l’avoir élu ensuite président de la Commission Médicale d’Établissement-. J’ignore comment ça se passait dans les autres secteurs de l’établissement, mais dans celui où je travaillais, les relations entre les soignants et l’encadrement -infirmier et médecin chef- ont dépassé le seuil du supportable - que ce soit au niveau personnel, ou du fonctionnement institutionnel- pour continuer à être disponible aux patients et aux nécessités du soin, et ce de façon durable, me semblait-il, la direction n’entendant pas nos plaintes, certes maladroites, ou s’en servant contre nous une fois instrumentalisées par l’encadrement ”de proximité”. Et j’étais loin d’avoir été le plus malmené -on ne me reprochait (officiellement) qu’un ”manque de courtoisie”, et d’utiliser des mots qui ne sont pas dans le dictionnaire (de parler cru, quoi, en réponse aux injonctions bêtes et méchantes formulées avec une componction ampoulée dans un sabir économico-bureaucratique)-.
Je dois donc cesser là.

J’avais pourtant quelques pistes pour poursuivre cette rubrique, dont voici les arguments :

  • Quand on n’en tient plus la chronique, le patient devient chronique.
  • L’observation et les ”notes”, où la place du refoulement ; mémoire, traces …
  • L’évidence n’est qu’illusion.
  • La tête coupée du roi ( favorisant le passage de la verticalité à l’horizontalité) peut-elle continuer à assumer la fonction alpha.
  • Là où clinique et politique s’articulent, c’est sur la question du père, de l’autorité.
  • La Psychothérapie Institutionnelle, c’est le travail du lien qui fait tenir le plan psychique, organisation de l’un en être, avec le plan social, organisation de tous en Cité. C’est comme ça que ça marche, en coordonnant les deux jambes, l’analytique et la politique.
  • L’enfermement en lieu et place du lien social en délitement.

Je ne les développerai pas, et les offre ainsi, éventuellement obscures, mais ouvertes, pour clore ce journal.

jeudi 11 juin 2015, par Éric Bogaert

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