Je reviens d’Athènes où, avec une délégation du Syndicat de la Médecine Générale, de l’Union Syndicale de la Psychiatrie, et de la revue Pratiques, « les cahiers de la médecine utopique », nous sommes allées à la rencontre des acteurs des dispensaires sociaux auto-gérés. Nous aurons l’occasion dans les colonnes du site de Pratiques de relater plus en détail ce que nous avons vu, ce que nous avons compris, ce qui nous a enthousiasmé, ce que nous avons regretté.
Dès la première rencontre au dispensaire du centre d’Athènes, Sofia Tzitzikou a prononcé une phrase terrible de vérité : « Rien n’est jamais acquis », elle précisa sa pensée : « Nous pensions, nous les citoyens des couches moyennes pouvoir vivre dans le confort d’un modèle économique et puis tout s’écroule et nous voilà projeté dans l’insécurité économique et la détresse sociale ».
Sofia nous a donc prévenu, « Rien n’est jamais acquis ».
Elle a fait le choix de la lutte et pour cela elle s’est engagée, elle la pharmacienne, dans la participation active au sein d’un dispensaire social qui soigne la population exclue, et qui compense ainsi la faillite du système de santé.
C’est avec un regard d’une grande tristesse qu’elle nous a prévenu. Cette vérité je la perçois, et comme beaucoup j’ai du mal à l’intégrer. Je connais l’exclusion et la souffrance sociale, mes 35 années d’exercice de la médecine générale à la cité des Francs-Moisins me l’ont régulièrement fait rencontrer à la consultation. Je sais que les politiques d’austérité que nous connaissons ne font que commencer. Elles frappent encore plus les populations vulnérables et précaires, mais nous, les médecins et autre soignants, nous pensons être à l’abri. Il va falloir abandonner nos certitudes. La crise économique associée à la crise politique, l’abandon des valeurs de la République par ceux qui sont élus pour les défendre, la peur entretenue par la politique du bouc émissaire, le repli xénophobe, le mensonge des médias… sont les ingrédients de la catastrophe à venir. Mon pessimisme ne vient pas de la confrontation avec la souffrance sociale, il vient de l’abandon du respect de l’Homme. La cupidité est devenue la valeur essentielle de cette économie libérale, prête à fouler la dignité des Hommes pour satisfaire son désir d’en vouloir toujours plus. Nous avons vu en Grèce où cela mène. Le combat de résistance de ces femmes et de ces hommes est exemplaire et nous réveille.
Rien n’est jamais acquis, alors préparons-nous, cela commence par la solidarité avec les dispensaires sociaux autogérés de la Grèce.