Quand les toubibs en font-ils trop ?

Où le Dr S se saisit pour la première fois du Nous pour faire l’(auto)critique de pratiques pas si inhabituelles dans une pathologie que tout le monde connait : la lombalgie.

Quoi de plus banal que de recevoir en consultation un patient qui se plaint de son « mal aux reins », le mal du siècle, la lombalgie ! Bien que souvent bénigne, nous avons été formés pour y répondre de manière vigilante pour ne pas méconnaitre une rare (mais toujours crainte) pathologie grave sous-jacente.

Nous devrions donc être très attentifs, à l’interrogatoire et à l’examen clinique, à la recherche qu’un symptôme évocateur d’une quelconque gravité (fièvre, traumatisme ou altération de l’état général, par exemple). Quelques paroles rassurantes et un traitement léger de la douleur devraient la plupart du temps suffire, mais… écouter et examiner les gens ça nous prend du temps, alors que nous sommes surtout formés à faire des prescriptions !

Une première ordonnance médicamenteuse doit être rédigée, à destination du professionnel du médicament qu’est le pharmacien. Elle comporte au minimum un antalgique, mais si l’on est « consciencieux », on doit y adjoindre un antalgique de palier 2, comprenant de la codéine en cas de poussée douloureuse, un anti-inflammatoire non-stéroïdien (AINS) en comprimés, voire en application locale, un myorelaxant, un protecteur gastrique pour soulager l’estomac des méfaits des AINS. On peut ainsi atteindre sept médicaments, sans faire de zèle particulier (grand plaisir de l’industrie du médicament).

Si la voie orale n’est pas possible, une alternative sera la voie injectable qui nécessitera une prescription infirmière (à domicile, si possible…). Cette prescription est parfois cautionnée par une représentation d’un meilleur rapport bénéfice/risque de la voie injectable (on imagine souvent que piqûre=soulagement plus rapide ou piqûre = pas d’effet secondaire gastrique…)

Une prescription de masso-kinésithérapie sera utile en cas de douleur insuffisamment soulagée par les traitements médicamenteux, de contracture musculaire récalcitrante ou la nécessité d’un renforcement musculaire manifeste. Une prescription de semelles orthopédiques par le podologue sera parfois demandée, si on a constaté une déformation de la voûte plantaire ou d’inégalité de longueur des membres inférieurs.

Après la pharmacie, l’infirmière, le kiné et le podologue, notre prescription pourra se porter sur les examens complémentaires. Ou alors, d’emblée, à la moindre suspicion d’un facteur de gravité. Nous irons prescrire l’imagerie radiologique standard, mais parfois le scanner ou l’IRM. Une prise de sang sera également rédigée si l’on craint un processus inflammatoire ou infectieux…

Les médecins généralistes ont été formés pour organiser les soins pharmaceutiques, infirmiers, kinésithérapeutiques, podologiques, radiologiques ou biologiques. Ils sont également responsables de l’orientation vers les spécialistes. Ils peuvent ainsi mobiliser des centaines, voire des milliers d’euros, sans vraiment en avoir conscience.

Pourtant, un arrêt de travail serait la solution la plus appropriée pour nombre de travaux pénibles dont les lombalgies sont la conséquence. Mais cet aspect de la prise en charge des lombalgies est plutôt critiqué dans les « pseudo » référentiels que nous fournit la Haute Autorité de Santé . Ils sont pourtant souvent plus économes financièrement et surtout moins risqués au niveau des effets secondaires !

Bien que nous soyons d’abord au service du malade, une certaine pression sociétale nous incite à induire de la consommation de soins, sans admettre que seuls le temps (et le repos) permettent parfois de soulager…

samedi 3 août 2013, par Docteur S.

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