Pratiques, c’est pratique

(bonus : c’est utopique)

La scène se passe dans une deux-chevaux, engagée sur l’autoroute toute nouvelle Rouen-Paris, un soir de 1973/74. Les hommes, jeunes, ont des cheveux longs, sauf notre serviteur, et des pattes d’éléphant. Les femmes, aucune dans cette automobile. Signe des temps.

Les « parisiens », qui avaient enfanté le SMG dans la joie, s’étaient délocalisés dans l’antenne normande pour finaliser 1) le congrès fondateur du SMG, 2) la charte fondatrice du même, 3) le projet de revue, imprimée avec des plombs (des plombs, oui).

Une revue, c’est un titre qui frappe, sans abrutir, qui séduit sans tromper. C’est des mots, certes, mais sur des comportements, des relations intersubjectives, des espérances dans le champ de ce qu’il est convenu d’appeler la médecine, laquelle se définit – lisez n’importe quel dictionnaire – par rapport à la santé et non par rapport à l’activité des médecins. Désolé, les médecins ! Discours sur les maladies particulières, certes, on n’est pas que des magiciens ; mais aussi, conviction qu’il n’y a de médecine que générale (on ne disait pas encore holiste ou holistique). Conviction aussi, nullement originale, que dans le domaine de la médecine – inévitablement générale – comme ailleurs, on ne progresse que par analyse critique de la pratique. Bingo ! On retombe toujours, dans les discussions rouennaises autoroutières sur le même mot, la pratique, ou mieux, les pratiques particulières. PRATIIIIQUES  !

Va pour Pratiques, mais comme on l’a dit plus haut, pas spécialement novateur. Un peu plus de peps rendrait ce titre plus spiritueux. Or, on vient de rédiger une charte. Simple et courte, pas comme bien des projets soixante-huitards de bonheur universel, en 1789 articles. Mais un menu, à prendre ou à laisser, pas une carte à picorer des stimulants.
Une charte des borgnes, à l’image des aveugles, mais suffisamment à l’écart des ornières communes, pour être traitée d’idéaliste, de machine désirante, de… (j’allais le dire) UTOPIE.
Eh oui ! Comme Cyrano de son nez, faisons-nous gloire d’une utopie qu’un des premiers textes de la revue qualifiait non pas d’irréalisable, mais de désirable, non encore réalisée. Le sous-titre de la revue a aidé à la distinguer d’une revue antérieure du même nom à l’analyse structurale des textes littéraires. L’Argus de la presse n’y retrouvait pas ses petites pratiques.

C’est ainsi, par Zeus, amant de la déesse Mémoire, que les choses se sont passées, par une nuit de grésil, dans une deux-chevaux.

samedi 13 décembre 2014, par Jean-Pierre Dio

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