Je ne connais que trop l’exercice de la médecine générale pour savoir que ses contraintes sont grandes. Est-ce pour autant qu’elles doivent servir d’excuse pour accepter l’inacceptable et dire : « je n’ai pas le temps de comprendre, je n’ai pas les moyens de choisir, je fais, une fois de plus, confiance aux syndicats » ?
D’ici quelques jours, tout médecin qui n’aura pas fait le geste de refuser le paiement à la performance, en signant une lettre explicite, deviendra un prestataire de l’Assurance Maladie. Il acceptera, de ce fait, le nouveau mode de rémunération qu’est le paiement à la performance. Il acceptera également ainsi qu’un conflit d’intérêt entre lui et son malade s’insinue dans sa pratique professionnelle.
La carotte de quelques milliers d’euro justifie-t-elle un tel choix ? Chacun d’entre nous peut expliquer qu’il a besoin de cet argent pour la bonne gestion de son cabinet, et cela est vrai. C’est la force de cette manipulation que d’avoir, comme d’habitude, su transformer un assujettissement en une nécessité, voire même en un progrès. Où est le progrès quand l’organisme payeur mesure la pratique du médecin avec quelques indicateurs que lui seul maitrise ? Où est le progrès quand, pour gagner plus, le médecin généraliste devra « éliminer » de sa patientèle les malades difficiles, ceux qui sont atteints de poly-pathologie, qui sont dans la précarité, qui sont dans des parcours de vie chaotiques, ceux qui nous demandent le plus de temps, le plus d’imagination, le plus d’empathie... mais l’assurance maladie ne connait pas l’indicateur de l’empathie.
Ce paiement à la performance bouleverse l’exercice de la médecine générale en faisant de nous les « effecteurs » d’une politique de soins dont la finalité est la rentabilité financière de son exercice. Nous ne connaissons que trop les dégâts du paiement à la performance, puisque que la souffrance que cette politique engendre conduit les salariés dans nos cabinets. D’une manière insidieuse, petit à petit, au moment de faire le choix thérapeutique, s’affronteront dans nos têtes l’intérêt du malade et le niveau de la prime. Ce dilemme condamne la médecine générale, bafoue les règles de la déontologie, soumet le médecin à d’autres valeurs que celles qui ont, depuis des siècles, façonné la médecine au service de l’homme.
En acceptant ce paiement à la performance, par le force des choses, nous acceptons la pose du bracelet électronique à nos poignets, nous devenons prisonniers d’une marchandisation de nos soins. Il est possible de faire autrement, mais c’est la grande force du gouvernement que d’avoir contraint les syndicats de médecins généralistes à signer cette convention, en associant l’intolérable menace de l’arrêt de la retraite par répartition au paiement à la performance. Il est juste de penser qu’une fois signé, ce texte puisse être amélioré. Mais, pour qu’il en soit ainsi, il faut que le rapport de force le permette, ce qui n’est pas le cas puisque les médecins généralistes démissionnent toujours d’avantage, en oubliant d’aller voter pour défendre le syndicalisme. Voilà le résultat !!!
Médecin généraliste, lève-toi ! Refuse ce paiement à la performance, boycotte. Si tu ne peux pas t’engager dans le refus radical, signe la pétition, oppose-toi, refuse la soumission, demain il sera trop tard.