Il en est des relations avec les institutions comme des relations avec la famille, cela peut être très agréable et constructif, comme cela peut être désastreux.
Quand un projet se construit, ici un projet innovateur de transformation de l’offre de soins, ses promoteurs fabriquent leur projet à partir d’une idée, d’une analyse des besoins de la population, d’une réalité, et de valeurs. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’ils vérifient si ce projet est en phase avec les lois, les dispositifs institutionnels, la réglementation. Faire l’inverse c’est casser l’innovation ; plus le projet est en rupture avec l’existant plus il est chargé d’utopie, ce qui ne signifie pas qu’il est infaisable. Il en va ainsi depuis toujours ; ceux qui veulent transformer la réalité en place pour améliorer le système se heurtent au conservatisme de ceux pour qui tout va toujours très bien, surtout s’ils en profitent bien.
Aujourd’hui on pourrait penser que l’époque est idyllique puisque nous avons une conjonction assez rare ou d’un coté l’institution veut transformer l’offre de soins pour régler l’un de ses problèmes c’est à dire la désertification de l’offre de soins (sans oublier que c’est elle qui a créé le problème) et de l’autre des acteurs du soin, notamment les jeunes générations, qui veulent changer les pratiques professionnelles pour être en phase avec les besoins de la populations et l’idée qu’ils se font de l’exercice de leur métier, comme les promoteurs de la « La case Santé » à Toulouse.
Hélas, trois fois hélas, il ne suffit pas que cette conjonction favorable existe pour que tout aille bien, car il y a toujours, ici et là, un chef de bureau qui est en mal de légitimité et qui pour affirmer son autorité refusera de soutenir le projet innovant sous prétexte que le règlement ne le permet pas, qu’il ne comprend pas l’aspect innovant, que d’habitude ce n’est pas comme cela que l’on fait, et que le sacro-saint cahier des charges n’a pas écrit cela. Alors il faudra trouver des stratégies de contournement de l’obstacle, bricoler le projet pour le rendre lisible à ceux qui ne savent pas lire le livre de la vie, bref y mettre beaucoup d’énergie et beaucoup de temps parce que trop souvent conservatisme rime avec archaïsme.
Didier Ménard
Médecin généraliste