Comme le dit la chanson, « Ça branle dans le manche, les mauvais jours finiront » [1] s’il y a une certitude aujourd’hui, c’est bien que ça branle dans la manche de la médecine générale mais de là à imaginer que les mauvais jours vont finir, il y a loin de la coupe aux lèvres !
Où en somme nous ?
La confusion persiste dans les rangs des médecins libéraux, le clivage entre le camp conservateur et le camp réformiste n’est toujours pas d’actualité, ce qui conduit à la cacophonie des mots d’ordre.
La concertation avec le ministère de la santé par l’intermédiaire des groupes de travail, laisse perplexe les médecins libéraux. Le Professeur P.-L. Druais a bien fait une proposition qui conduit à transférer beaucoup plus de responsabilité d’organisation des soins, voire même de santé aux médecins généralistes, mais la ministre est comme à l’accoutumée très réservée sur ce transfert de responsabilité. Il faut dire le peu de confiance qu’elle attribue aux médecins libéraux pour s’occuper de la santé des populations.
Si elle écoute le chant des sirènes du conservatisme archaïque qui s’exprime fort aujourd’hui on peut la comprendre, si elle écoute avec intérêt le chant des sirènes du camp réformateur, elle n’ose pas assumer la rupture avec le modèle hospitalo-centré d’aujourd’hui, qui l’influence beaucoup.
La Loi Santé va être votée, le gouvernement sera content de sa victoire à la Pyrrhus, les médecins libéraux et surtout les généralistes seront meurtris, du moins ceux qui s’intéressent à la question, les autres il faudra les prévenir après la bataille.
Les citoyens ont regardé cela de plus ou moins loin, sans véritablement comprendre ce qui se joue dans ce conflit, il faut dire que même les belligérants ne savent plus trop ce que cela signifie.
Et pendant ce temps-là ! Chaque camp ne mesure pas que le véritable danger n’est pas là où chacun le perçoit.
Le tiers payant facilite l’accès aux soins, on peut le penser, du moins c’est une certitude pour les 8 millions de Français vivant en dessous du seuil de pauvreté, c’est donc un acquis social. Le refuser parce que par principe on ne confie pas la réalisation de sa rémunération à un organisme dont on se méfie (à juste titre), mais est-ce pourtant raisonnable et compréhensible de refuser un acquis social, parce que le gestionnaire est incompétent. C’est l’assurance maladie qui doit être punie pas le malade.
Il est proposé de confier l’organisation de l’offre de soins et de santé à la médecine libérale avec le médecin traitant comme responsable de cette organisation, avec tous les moyens mis à sa disposition. Ce qui est loin d’être acquis.
Mais imaginons que cela soit le cas, cela signifierait automatiquement l’abandon de l’exercice solitaire, seul l’exercice collectif permet d’assumer cette responsabilité, il faudra l’abandon du paiement à l’acte exclusif car seul le forfait et la capitation permettent d’assumer cette responsabilité, l’installation sera redéployée là où sont les besoins et non plus les désirs des médecins, cela nécessite la redéfinition des missions des médecins généralistes avec obligatoirement le transfert de charges, la négociation permanente avec les ARS et avec le financeur sera la règle, il faut bien en démocratie un régulateur des dépenses, bref tous ceux qui réclament l’application du rapport de Professeur P.-L. Druais en ont-ils mesuré le signifiant, j’ai des doutes, ou alors ils sont tous prêts à rejoindre le mouvement des Maisons de Santé et des Centres de Santé seules structures capables dans le schéma qu’ils demandent, d’assumer ce virage ambulatoire. En sont-ils conscients ? J’ai des doutes.
Mais le véritable danger concerne l’abandon de l’assurance maladie solidaire, celle qui protège les citoyens et celle qui protègent les médecins. Ne pas être persuadé de cela est dramatique pour tout le monde. Le champ de la médecine ne doit pas être un commerce.
Face à la cupidité et la rentabilité de l’économie libérale, la protection sociale solidaire est un rempart fragile contre les inégalités. Alors il ne faut pas, sous prétexte que l’assurance maladie est défaillante, se jeter dans les bras des rapaces des assurances privées complémentaires qui se moquent des conditions de travail des médecins dès lors qu’ils sont performants pour produire du profit.
Le véritable combat à mener aujourd’hui c’est celui de la défense de la protection sociale solidaire et donc, ce qui peut apparaître paradoxal pour la plupart des médecins, défendre l’institution qui leur rend l’exercice professionnel de plus en plus compliqué mais ce combat n’est pas sans espoir. Il suffit de redonner à la protection sociale solidaire une gestion démocratique !
Ce combat-là a plus d’ambition et de valeur que de porter le prix de la consultation à 25 € !!