Ainsi donc, ils ont osé se lancer dans cette aventure, noter son médecin sur Internet. Il est évident qu’Internet permet la transgression d’une règle qui voulait jusqu’ici que le respect dû au médecin interdise de porter un jugement public sur la perception que le malade avait de ses compétences.
Ceci dit, la reconnaissance du droit des malades, si difficilement acquise, permet de faire valoir le point de vue de la personne malade. Sortir de la relation infantilisante qui caractérise encore trop souvent la relation médecin malade ne nous fâchera pas. Nous sommes même persuadés que c’est une chance pour la médecine de pouvoir nourrir sa pratique de l’expertise des personnes malades.
Mais noter son médecin est chose ambiguë. Si l’on n’est pas content on peut le juger sévèrement, mais c’est la traduction d’un point de vue subjectif. Puis il y aura le jugement inverse de celui qui trouve ce même praticien excellent. La liberté de choix de son médecin permet de choisir, pour la médecine générale, un médecin avec lequel on s’entend bien. Certes, la difficulté d’accès aux soins diminue dangereusement cette liberté et la médecine spécialisée assume une lourde responsabilité en limitant l’accès à certains médecins par la pratique des dépassements d’honoraires.
Le corps professionnel des médecins et sa presse spécialisée s’offusquent de cette initiative de notation de son médecin, comme si cette dérive affligeante, permise par Internet, risquait de conduire à une « inquisition ». Cela ressemble de plus en plus à l’arroseur arrosé. La médecine officielle, celle des institutions qui en définissent le contenu, défend l’évaluation, comme une règle d’or de la qualité des soins. La frénésie des recommandations, des référentiels, des conduites à tenir, des consensus, des avis d’experts conduit à tout normaliser. Il faut rendre compte de la manière dont on va suivre non pas tel ou tel malade mais la maladie que celui-ci endure. Il faut décortiquer chaque attitude pour analyser, au regard de la rentabilité et du respect de ces règles de bonnes conduites, le comportement du médecin, en faisant fi de la relation humaine, justement celle qui ne peut pas se décliner dans les référentiels.
Nous sommes ainsi entraînés dans la spirale du tout normatif. Il est alors logique, qu’au regard de cette dérive, certains pensent que cela permette de noter objectivement un professionnel du soin. L’évaluation des pratiques professionnelles rendue obligatoire ne conduit-elle pas à ce genre de dérive ?
Si la notation des médecins sur Internet est une aberration, l’évolution de la médecine qui se déshumanise n’a pas fini d’avoir affaire à ce type d’initiative.