La haine des extrêmes

C’est un spectacle curieux, tous ces joueurs français de l’Euro de football qui faute de savoir marquer un beau but – c’est quand même leur job – viennent avec un courage stupéfiant et une unanimité bien sympathique relayer devant les caméras le discours de leur président. Je ne parle pas du président de la fédération française de football, ni même celui de La FIFA (Federation international Football Association) mais bien du président de la France. Sont-ils légitimes non pas en tant que simples citoyens, mais de la place d’où ils parlent, ces gavés d’euros avec leur maillot bleu Marine et leurs indécents salaires de clubs gonflés par les recettes de la pub ? Ont-ils quelque chose à voir avec l’équipe Black-Blanc-Beur de la coupe du monde 1998 qui, sans ambiguïté, ciblait la haine et le racisme, là où ils prospéraient, c’est-à-dire à l’extrême droite, le F.haine ?
Notre hyperprésident a subi un immense échec lors de l’Euro des élections, catastrophique pour son ego surdimensionné… Il a voulu tout de suite prendre sa revanche, jouer le match retour sans prendre le temps de souffler ni de réfléchir. Il s’agissait pour lui de reconstituer sa majorité lessivée en créant une nouvelle charnière offensive au centre du terrain politique. Après « en marche », « Renaissance », cela s’appelle désormais « l’Extrême Centre ». De si fréquents changements de maillots donnent le tournis et sont à la fois une remise en cause de la géométrie Euclidienne, un dynamitage de la démocratie et plus grave encore une impardonnable subversion du langage.

S’il faut jouer au centre exclusivement, sans passer par les ailes renvoyées dos à dos, il n’y aura pas beaucoup de créativité, il s’agira de garder la balle en la faisant tourner (remaniements, jeux de chaises musicales). Continuer de mener une politique clairement néolibérale en s’affichant néolibertarien. Depuis 2022, le président tente une synthèse de ses penchants libertariens en économie et autoritaires-conservateurs sur le plan sociétal. L’ordre et le marché, la matraque et le business. Il s’agit toujours de prendre aux pauvres pour donner aux riches…
Si la gauche équivaut vraiment à l’extrême droite, si le centre est devenu à toutes extrémités, alors je suis perdu, je n’ai plus de repères. Où suis-je, où vais-je et dans quel État j’erre ? On a connu par le passé de tragiques itinéraires : Louis Ferdinand Céline, Marcel Déat, Pierre Laval, mais ces exceptions n’ont pas changé la disposition du champ politique classiquement constitué en un repère orthonormé. Brouiller la cartographie à son profit en s’affirmant « à la fois, en même temps » conduit au clivage du ni/ ni : et le pire devient probable grâce à Jupiter et aux réseaux sociaux ! Je ne peux arriver à imaginer Charles de Gaulle en train de twitter. Il ne m’appartient pas non plus de constater son actuel retournement dans la tombe.

Maltraiter les mots pour leur faire dire ce qu’ils ne disent pas, ou à la limite le contraire de ce qu’ils disaient. Voilà une dérive source de bien d’inquiétudes et qui s’intitule nov-langue, de sinistre mémoire. Certes il y a l’usure du langage : le parti radical de Georges Clemenceau à Laurent Hénart en passant par Edouard Daladier a connu, en 123 ans, sans changer de nom, une évolution de l’extrême gauche au centre droit. Celles et ceux qui souhaitaient extirper les racines de la pauvreté sont devenus de gras notables provinciaux ne souhaitant au fond qu’une rente de situation … Mais quand l’ami prétendu de Paul Ricœur s’est mué en ami d’Alexandre Benalla et affiche un tropisme accru pour OSS117, quand il crée l’expression ruissellement de la richesse ou laisse créer par ses porte-paroles de nouveaux mots pour dénigrer ses adversaires (éco-terroriste, islamo-gauchiste), on aurait pu attendre de lui plus de retenue. Au sommet de l’État, il serait plutôt là pour « calmer le jeu » et non se comporter comme le Louis XV d’« après moi le déluge ».

Après le premier tour (de l’Euro de foot) la France est toujours qualifiée mais en mauvaise posture. Notre premier de cordée, fera-t-il un voyage éclair en jet public à Düsseldorf le lundi premier juillet ? Embrassera-t-il en Eurovision le masque (tricolore ou noir ?) de Kylian M’bappé dans une mise en scène digne de St Louis guérissant les écrouelles ? Ce ne serait qu’une compulsion de répétition (cf. la dernière Coupe du Monde et la défaite face à l’Argentine). Tout reste ouvert quand la politique est un sport de combat, un grand jeu vidéo dont les manettes sont tenues par un adolescent immature sans programme ni réflexion… Se rappeler toutefois que les jeux du stade renforcent le pouvoir du tyran (Berlin 1936).
En tant que pédiatre, je ne veux en aucun cas de la préférence nationale concernant les admissions d’enfants dans les crèches ou dans l’établissement médicosocial où je travaille. Qui a proposé la suppression du droit du sol à Mayotte ? Je vais donc voter pour le nouveau front Populaire. Suis-je un dangereux extrémiste ?

dimanche 30 juin 2024, par Alain Quesney

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