Douze élus du Sénat du groupe UDI-Union Centriste*, ont proposé au cours du débat sur le financement de la Sécurité Sociale pour 2026 un amendement, numéroté 159, qui propose qu’à compter du 1er janvier 2026, les soins, actes et prestations se réclamant de la psychanalyse ou reposant sur des fondements théoriques psychanalytiques ne donnent plus lieu à remboursement, ni à participation financière de l’assurance maladie.
Son objet est ainsi justifié :
Cet amendement vise à garantir la cohérence scientifique et l’efficience des dépenses de l’assurance maladie.
Les soins fondés sur la psychanalyse, en particulier lorsqu’ils s’appliquent aux troubles du neuro-développement, aux troubles anxieux ou dépressifs et aux affections psychiatriques chroniques, ne disposent aujourd’hui d’aucune validation scientifique ni d’évaluation positive du service médical rendu par la Haute Autorité de santé. Plusieurs rapports publics ont souligné l’absence de preuves d’efficacité et le caractère inadapté, voire contre-productif, de ces approches, qui sont à différencier de psychothérapies.
Dans un contexte budgétaire contraint, il est légitime que la solidarité nationale concentre son effort sur les prises en charge dont l’efficacité est démontrée et évaluée. Cet amendement ne remet pas en cause la liberté de choix des patients ni la liberté de pratique des professionnels. Il se borne à mettre fin au financement public de la pratique, quels que soient les dispositifs de financement : Mon Soutien Psy, centres médico-psychologiques, etc.
En recentrant la dépense d’assurance maladie sur les soins ayant un bénéfice médical avéré, il s’agit de favoriser la diffusion de pratiques thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé, notamment les approches comportementales, éducatives et de réhabilitation psychosociale.
De nombreux professionnels du soin psychique s’élèvent contre cette proscription.
Ainsi par exemple :
• François Gonon (neurobiologiste, directeur de recherche émérite au CNRS) leur a écrit cette lettre :
Je vous contacte pour vous alerter sur un discours scientifique abusif concernant les psychothérapies orientées par la psychanalyse. En effet, ce 14 novembre, trois sénatrices et un sénateur ont déposé un amendement (n°159) au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Il est rédigé comme suit : « À compter du 1er janvier 2026, les soins, actes et prestations se réclamant de la psychanalyse ou reposant sur des fondements théoriques psychanalytiques ne donnent plus lieu à remboursement, ni à participation financière de l’assurance maladie. »
L’objet de l’amendement affirme : « Les soins fondés sur la psychanalyse, en particulier lorsqu’ils s’appliquent aux troubles du neuro-développement, aux troubles anxieux ou dépressifs et aux affections psychiatriques chroniques, ne disposent aujourd’hui d’aucune validation scientifique… Plusieurs rapports publics ont souligné l’absence de preuves d’efficacité et le caractère inadapté, voire contre-productif, de ces approches, qui sont à différencier de psychothérapies. »
Ces affirmations ne sont pas conformes à l’état des connaissances scientifiques.
Premièrement, à durée égale, les psychothérapies orientées par la psychanalyse sont aussi efficaces que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), qui ont les faveurs des pouvoirs publics. Pascal Keller et moi-même avons publié en 2021, dans la plus respectée des revues francophones de psychiatrie, une synthèse aboutissant à cette conclusion pour de nombreux troubles mentaux, notamment dépressifs et anxieux. Cette revue s’appuie sur des dizaines d’études scientifiques publiées ces vingt dernières années par des équipes internationales (USA, UK, Allemagne, etc.) dans les revues de psychiatrie les plus prestigieuses. Vous trouverez cette synthèse en attaché [1]. Deuxièmement, comme le mentionne cette synthèse, les praticiens se réclamant des TCC font explicitement référence à trois des quatre concepts majeurs de la psychanalyse : la répétition, l’inconscient et le transfert. Interdire le remboursement des psychothérapies « reposant sur des fondements théoriques psychanalytiques » entraînerait aussi le non-remboursement des TCC.
J’espère que mon message vous apportera des éléments scientifiques de jugement concernant cet amendement.
• L’Union Syndicale de la Psychiatrie a publié un communiqué.
• Le Syndicat National des Psychologue également, qui a lancé une pétition.
…
Peut-on en vouloir à ces sénateurs ? On a tous des points aveugles, et l’inconscient n’est pas le moins partagé (eh oui, ils en ont un aussi !).
À peine ces lignes écrites, la nouvelle tombe : cet amendement a été retiré. Mais la sénatrice qui en a été l’instigatrice annonce, avec forte émotion (manifestation de l’inconscient) que si elle cède à l’avis défavorable du gouvernement – ce ne serait pas le bon outil législatif pour ce juste objectif – elle va continuer son combat (personnel).
Bon, ce n’est pas fini. Alors la publication de cette information reste une alerte d’actualité.
* Mmes Jocelyne Guidez, Sylvie Vermeillet, Annick Jacquemet, Nadia Sollogoub, Brigitte Bourguignon, Jocelyne Antoine, Anne-Catherine Loisier, Évelyne Perrot, Annick Billon, et MM. Vincent Delahaye, Franck Dhersin, et Jean Hingray