D’après le Quotidien du Médecin la fin du paiement à l’acte exclusif pour les médecins serait pour bientôt. A la revue Pratiques, nous ne pouvons que nous en réjouir, nous qui avons consacré un de nos derniers numéros à la question (voir le N° 39 : "Comment payer ceux qui nous soignent ?").
Nos amis du SMG énoncent cette évidence depuis trente ans : le paiement à l’acte ne permet pas d’adapter l’exercice de la médecine aux besoins de santé de la population. L’enjeu social majeur n’est pas tant de développer une médecine bio-technologique de qualité que de lutter contre la cause des maladies, en y associant les citoyens. Depuis les années 70, ce petit noyau de précurseurs n’a cessé de poser la question : quelle médecine construire pour agir tant sur le corps malade que sur les facteurs environnementaux et sociaux intervenant dans la genèse des maladies dont souffre ce même corps.
Il aurait fallu pour cela inclure, dans l’exercice du soin proprement dit, la prévention et l’éducation thérapeutique, cette éducation thérapeutique qui permet à la personne malade de faire valoir sa propre "expertise". Que n’ont dû affronter ces précurseurs pour faire avancer leurs idées ! Aux archaïsmes des uns s’ajoutaient les corporatismes idéologiques des autres, qui se faisaient fort d’expliquer que le paiement à l’acte permettait la liberté, l’indépendance, la qualité, et assurait le triomphe de la médecine "à la Française" !
L’évidence s’impose à tous aujourd’hui : ce n’est pas le progrès technologique porté par cette médecine qui suffit à faire reculer les maladies. Le développement considérable des maladies chroniques, des cancers, des maladies cardio-vasculaires et du "mal à la vie" relativise le progrès strictement médical. C’est bien dans le cadre d’une politique de santé que s’inscrit la réponse à tous ces défis. Ceci n’est pas nouveau.
Alors, pourquoi la question devient-elle d’actualité ? En cause, bien évidemment, l’évolution de la société avec le refus des jeunes générations de médecins de s’identifier à ceux qui prônaient l’exercice solitaire de la médecine et le paiement à l’acte comme modèle universel de référence. La nécessité s’est donc imposée de développer une offre de soins plus efficace, et pour cela, disposer d’une médecine générale de premier recours performante.
Mais outre cette évolution sociétale, l’évidence économique s’est imposée : les maladies chroniques évolutives, qui entraînent toutes des complications, pèsent lourdement sur le budget de l’assurance maladie et participent aux déficits publics, « bête noire » de l’économie libérale. La question est alors posée de savoir si l’approche comptable est la meilleure pour conduire la réforme du système de santé.
Définir aujourd’hui le mode de rémunération des soignants le mieux adapté aux problèmes de l’exercice de la médecine est une nécessité. Faut-il encore que cette question réponde à l’objectif premier qui est de définir le contenu de l’exercice professionnel, le rôle des uns et des autres et le type de rémunération le mieux adapté pour conduire ce passage du soin à la santé.
Il est, de plus, indispensable de clarifier les relations entre les gestionnaires de l’assurance maladie (l’Etat y compris) et les professionnels soignants : il n’est pas question de passer de « l’aliénation » du paiement à l’acte à la « dictature » des protocoles et des normes. Pratiques a déjà analysé cette dérive (voir le N° 37/38, épuisé en édition papier mais disponible sous forme pdf)
L’erreur serait de croire que la question de la rémunération des professionnels est indépendante du reste, et qu’elle relève des seuls médecins. Cette question est, à l’évidence, une question sociale. Elle intéresse l’ensemble de la population, notamment au moment où l’accès aux soins est rendu plus malaisé par la politique menée par les derniers gouvernements. La sortie du paiement à l’acte comme mode unique de rémunération de la médecine libérale est inéluctable. Il serait irresponsable, pour autant, de remplacer un système inadapté aux enjeux actuels de la santé par un système normatif tout aussi inapproprié à relever les défis qui sont ceux du pays