Au-delà, ou plutôt en-deça, de ce qu’en dit l’éditeur :
- Dans Guillaume Pujolle – La peinture, un lieu d’être, Blandine Ponet part sur les traces de Guillaume Pujolle (1893-1971) qui fut menuisier, douanier, mais aussi peintre. Il fut interné une grande partie de sa vie à l’asile de Braqueville, devenu l’hôpital Gérard Marchant, à Toulouse ; c’est de ce lieu qu’est partie Blandine Ponet, où elle-même a travaillé comme infirmière en psychiatrie. De là, elle tire les fils de la complexe destinée de l’artiste, ce qui l’entraîne aussi à se pencher sur l’histoire de la psychiatrie, du surréalisme, de l’art brut ou de la dévastatrice première guerre mondiale. Telle est sa manière de lutter contre « l’oubli, l’immobilisme, l’absence d’histoire, l’ordre et la routine ».
elle apporte une pierre clinique qui éclaire ce qu’est l’art dit brut, et ce que dit l’art brut, de l’« artiste », de l’homme, et de la folie. Comment mieux le résumer que par ces quelques mots extraits de ce livre :
- Dequeker dit que Guillaume construit ses tableaux comme des meubles, en faisant évidemment référence à sa formation d’ébéniste. Mais ne faut-il pas entendre ici cette construction dans un sens plus large et la regarder comme la mise en oeuvre de la reconstruction de son monde ?
"Ce que leurs mains produisent leur tient-il lieu de lieu ?" demande Janine Altounian dans un article sur ses parents et grands-parents et leur exil d’Arménie .
Ce lieu, nous pourrions l’appeler un lieu d’être.
Lieu d’être qu’il s’agit de construire-reconstruire parce qu’on en a été exilé à la fois par la guerre et, pour Guillaume, par la maladie qui s’est déclenchée quelques années plus tard. Un double exil.
Pour répondre à cette expulsion de soi-même, cette mise hors de soi - dont il ne faut pas oublier qu’elle est la conséquence de ce qui était exigé des soldats au front sous peine de condamnation à mort -, c’est une réponse concrète qu’il faut fabriquer. Opposer quelque chose à l’effondrement du monde.
"Dubuffet parle aussi de productions", nous dit Madeleine Lommel, "démontrant bien là qu’il ne s’agit aucunement d’intention artistique, mais d’une activité dont dépend l’existence même, obligeant à inventer, à fabriquer, à construire, plus encore, à se reconstruire, fût-ce avec les moyens les plus élémentaires." Une production : inventer-construire-fabriquer quelque chose qui répond de la personne et lui rende un monde. Et créer ainsi son lieu d’être.