Au lendemain de ces Assises, voilà le communiqué de presse publié par le Printemps de la psychiatrie. (voir l’épisode 1)
La psychiatrie humaniste étouffée par la santé mentale des laboratoires
Alors que se clôturent les Assises de la santé mentale, la psychiatrie se voit refoulée de ce « moment historique ».
Résumons.
1) Aucune concertation des acteurs de terrain ne se sera tenu en dehors du questionnaire orientant les réponses dans le sens attendu par le gouvernement. Les grands débats d’ampleur n’auront pas vu le jour à part quelques remarques compatissantes et condescendantes du Ministre de la Santé sur les professionnels qui attachent et enferment les usagers de la psychiatrie publique. A l’image de toutes les pseudos concertations des dernières années, ces Assises présentent une parodie de construction démocratique pour un exercice de communication calibré.
Or, la démocratie aurait besoin que les droits fondamentaux et la Constitution soient respectés et fassent l’objet de discussion. Or, les Droits fondamentaux sont bafoués au quotidien dans les services de psychiatrie, faute de formation, faute d’une société accueillante pour les plus en difficulté, faute de moyens humains et matériels. Ces errements servent au gouvernement pour expliquer qu’il faut arrêter d’investir dans les institutions et notamment dans les dispositifs de psychiatrie publiques.
2) Pire, le gouvernement repassera un article de loi réformant la contention isolement dans le projet de loi de finance de la Sécurité Sociale 2022 (PLFSS). Les mêmes maux engendrant les mêmes remèdes, nous appelons les parlementaires à se saisir de la question sous la forme d’une saisine au Conseil Constitutionnel pour cavalier législatif. Rappelons que l’an passé, l’article 84 du PLFSS 2021 avait été déclaré inconstitutionnel par les sages quelques mois plus tard car le contrôle du juge était aléatoire. Les patientes et patients pourront continuer à rester enfermés et attachés, du moment que les procédures sont respectées, pas besoin de remettre en question ces pratiques, ce qu’elles disent du degré d’abandon des personnes les plus fragiles et du degré d’irresponsabilité du gouvernement. Plus la psychiatrie se détache des des problématiques relationnelles, plus elle attache les corps et contraint les personnes.
3) Le décret d’application réformant le financement de la psychiatrie doit paraître en fin de semaine. Il met en place une tarification de l’activité (T2A) psychiatrique avec une mesure d’égalité territoriale à la discrétion des Agences Régionales de Santé et du Ministère. Ce scandale sanitaire et financier aura les même effets destructeurs que la T2A sur la santé publique telles qu’elles ont été révélées lors de la crise covid faisant passer la psychiatrie d’une logique de soin à une gestion de flux.
4) La réforme de l’irresponsabilité pénale n’aura pas été discutée alors qu’elle est une rupture majeure dans les rapports entre justice et psychiatrie
5) Les promoteurs de « la santé mentale » remportent le marché avec la création de plateformes, d’applications numériques tandis que se meurent les pratiques humanistes mettant au coeur de la psychiatrie les liens thérapeutiques de confiance, la relation inter-individuelle (le temps qu’il faut), les droits des patients…
Plus de virtuel, moins de réel. Plus d’écran, moins de soignants et d’accompagnants sont les slogans conclusifs de ces Assises. Des start-up de la santé mentale pour remédier au crash down de la psychiatrie.
6) L’attractivité de la psychiatrie ne sera pas résolue par les appels séducteurs du Ministre. Si la psychiatrie et la pédo-psychiatrie connaissent une crise de vocation c’est précisément du fait de la disparition de l’interdisciplinarité avec les sciences humaines, de la déperdition du sens de l’accueil, et de la nécessité de l’écoute.
Pour celles et ceux qui sont trop malades pour se conformer au modèle de la santé mentale, cette nouvelle psychiatrie remet au goût du jour la place des soignants comme bras droit de la sécurité publique. Nouvelle forme de stigmatisation se faisant au nom de la déstigmatisation.
Ainsi, la psychiatrie se dissout d’une part dans la santé mentale positive et son bien-être de façade et d’autre part dans une cérébrologie où ce ne sont pas les interrelations humaines qui organisent les soins mais l’objectivation des cerveaux dysfonctionnels permettant de traiter des flux plutôt que des personnes.
La santé mentale telle que promue depuis dix ans par l’Institut Montaigne et FondaMental ont raflé la mise en détournant l’attention des grandes questions de société.
A l’issue de ces Assises anesthésiantes vendant du rêve pour nous condamner à un cauchemar, le Printemps de la Psychiatrie en appelle au réveil des forces réellement progressistes pour donner vie à une psychiatrie et une pédopsychiatrie dignes d’une société de droit, humaine et démocratique.
Nous voulons :
• l’abolition de la contention physique
• l’arrêt de la mise en place de la tarification de l’activité en psychiatrie
• l’arrêt de la criminalisation de la maladie mentale (réforme de l’irresponsabilité pénale, fichier Hopsyweb, croisement avec les fichiers S)
• l’arrêt de la vente à la découpe du service public au profit du privé lucratif et de start-up de la santé mentale
• le recrutement de professionnels pour répondre au besoin de soins relationnels
• un investissement dans le pluralisme des formations et des approches
Le Printemps de la Psychiatrie