Je n’ai jamais aimé cette expression « faire son deuil ».
Je ne la comprenais pas, je ne la « sentais » pas. Elle ne me « parlait » pas.
Lorsque je pensais à ceux de mes proches qui étaient morts et d’abord à mes parents, je me disais que j’avais vécu et que je vivais quelque chose d’important, mais en aucun cas, je n’aurais utilisé le mot travail.
Et puis j’ai lu un livre d’Anne Dodemant qui parle de la mort par suicide à l’âge de
29 ans de son fils Luc [1] et j’ai compris pourquoi cette expression est détestable.
Anne Dodemant le dit très bien : « on ne fait pas son deuil », « on est travaillé par le deuil, par la perte », « le passif est la seule forme qui convienne ».
Faire son deuil m’évoque ces personnes qui « font » la Grèce, l’Écosse ou l’Irlande.
Un jeune homme de 25 ans auquel je demandais s’il avait passé de bonnes vacances m’a dit : « oui très bonnes j’ai fait la Tunisie, j’ai fait Carthage ». J’ai pensé que 20 ans ou plus avant sa naissance, j’avais été élève du lycée de Carthage de la 10e (CM1) à la première partie de bac. Je n’ai pas osé lui dire que Carthage existait, avant qu’il ne l’ait faite.
Dire qu’on a fait les îles grecques est un discours simplement idiot. Parler de faire son deuil est plus qu’idiot. C’est se croire actif et n’être pas attentif à tout ce qui se passe de complexe, de puissant et qui échappe à peu près complètement (et c’est heureux) à toute maîtrise.