Patients, soignants, on vous vole : Time isn’t money !

Une façon, justement pas comme une autre, pour cet Edito, après que Patrice nous ait quittés, d’évoquer ses paroles, une manière de penser par facettes, simplement juxtaposées, apparemment sans lien, et pourtant, à la fin…

Il écrivait : "Penser, c’est se parler" et il décrivait son petit "subterfuge" - prolonger un peu le rituel de lavage des mains -, qui lui permettait, au moment de rédiger son ordonnance, lorsqu’il lui fallait trouver les mots justes pour conclure la consultation, de dégager les deux minutes nécessaires à ce colloque singulier avec lui-même.

Mais, terminant le même écrit, : "Libérer du temps pour discuter, réfléchir et décider collectivement est la seule alternative aux procédures de comptages-évaluations-régulations technico-administratives qu’on est en train de nous imposer par le haut."

Pensée singulière, pensée collective, opposition ? Non, deux rameaux d’un même arbre : le temps.

C’est ce temps que l’on nous vole, tous, tant que nous sommes, patients ou soignants. Vite, toujours plus vite : la Déesse Productivité a faim de sacrifices humains. Alors, le système y pourvoit : course au paiement à l’acte, sous-effectifs hospitaliers, rejet de pans démunis de la population sur les "médecins des pauvres", tout concourt, sous couvert d’économie vertueuse, à surcharger des soignants qui s’imagineraient encore - pauvres naïfs - pouvoir trouver le temps de guérir - leur premier métier après tout ?

Quant aux patients, les voilà deux fois spoliés : du temps de consultation, d’abord, puis maintenant du temps de repos (voir la polémique sur les arrêts de travail). Mais c’est oublier qu’en amont, on aura commencé par les priver également de tout temps qui aurait pu être distrait pour la réflexion : stress au travail, stress familial, abrutissement médiatique en continu.

Le système nous vole notre temps car, pour lui, "Time is money". Mais ce faisant, il nous dérobe quelque chose de bien plus précieux qu’une traite tirée sur l’achat du prochain gadget : ce qu’il nous vole c’est le temps de guérir, c’est le temps de vivre.

Ne nous laissons pas faire. S’organiser pour retrouver le temps d’abord. S’en servir ensuite : pour penser d’abord, agir ensuite.

mercredi 25 juin 2008, par Lucien Farhi

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