Les gouvernements ont de la chance : les peuples sont indulgents, leur mémoire est courte. A la décharge de ces derniers, le matraquage d’une actualité dont le défilement programmé s’oppose, par essence, à la réflexion, la maturation des idées, l’élaboration pensée des analyses comme des solutions.
Le FORMINDEP a pourtant, lui, choisi d’affronter la difficulté. Sans souci de se plier à ce défilement derrière lequel s’abritaient, trop heureux de se faire oublier, les responsables du scandale sanitaire de la grippe A, le voici qui demande leur tête.(1) Pratiques se réjouit de cette prise de position, qui coïncide avec le "conseil" donné au Président de la République, dans ces mêmes colonnes, il y a quelques semaines (2) . Le même sujet de la grippe A continue d’ailleurs d’être traité dans la livraison du N° 48 de notre revue (3) Nous n’auront pas la mémoire courte, en l’occurrence, et nous nous réservons de rappeler, autant de fois qu’il le faudra, que l’impéritie, l’incompétence, les voisinages dangereux avec certains acteurs privés du système de santé auront conduit ce gouvernement à dissiper, dans cette affaire, un montant égal à plusieurs fois le déficit annuel de l’ensemble des hôpitaux publics.
Le FORMINDEP, pas plus que Pratiques, ne recevront la réponse attendue : le pouvoir en place a inventé une catégorie nouvelle de dirigeants : coupables, mais irresponsables ! Il faut donc voir plus loin. Pour tout esprit impartial, en se limitant au strict domaine qui est le nôtre, il devient clair que les dégâts causés à notre système de santé par l’application déraisonnable des préceptes du néo-libéralisme sont considérables. Un même fil réunit l’introduction de l’intéressement à l’hôpital public (loi HPST) à la généralisation du paiement à l’acte, les dépassements d’honoraires aux franchises médicales et autres déremboursements, mais aussi, de manière plus sournoise, à la délégation par l’Etat de ses responsabilités régaliennes à des instances privées (assurances complémentaires, médecins du travail salariés par les entreprises), ou corporatistes ("Ordres" professionnels : dernier en date, celui des infirmières). Ces évolutions s’accompagnent de gabegies financières, de pratiques institutionnelles assimilables à des rackets, de conflits d’intérêts occultés et cadeaux royaux faits aux industries pharmaceutiques et, en définitive, contribuent à priver d’accès aux soins une fraction chaque jour plus importante de la population.
Dès lors, dans un souci d’efficacité, autant poser tout de suite la question aux candidats à la succession du pouvoir en place, pouvoir dont la surdité indique clairement qu’il n’y a plus grand chose à en attendre : quel est le système de santé qu’ils proposent aux Français ? Cette interpellation prendrait la forme concise d’un questionnaire limité à une dizaine de points, répartis entre mesures d’abrogation de lois et décrets antérieurs, remise à plat des ressources financières de l’assurance maladie, principes d’un système de santé organisant conjointement hôpital public et médecine de ville (localisation, fonctionnement, rémunération, rapports entre les différents acteurs).
Nous invitons nos lecteurs à se saisir du forum attaché à cet article. Pratiques, à sa place, modeste, a vocation à devenir l’un des lieux, parmi d’autres, de débat autour de ce questionnement. En aval, à partir des idées émises et débattues sur le site, la revue trimestrielle, dans sa version papier, répondant à une forme plus distanciée, dispose du temps de maturation nécessaire entre deux parutions pour contribuer, par ses analyses détaillées, à approfondir les thèmes proposés.
Un débat de santé publique, démocratique, réfléchi, des propositions concrètes, une solidarité active.
(1) Edito du Formindep [http://www.formindep.org/Affaire-TAMIFLUo-Une-reforme]
(2) [http://www.pratiques.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=401]
(3) Articles de Philippe Foucras, d’une part, et de Jean-Pierre Lellouche, Alain Quesney et Dominique Le Houezec, d’autre part