Marie Kayser,
Médecin généraliste.
« Nous sommes à la tête de 265 000 résultats d’analyses qui prouvent l’absence d’impact de l’incendie sur l’environnement et la santé ».
C’est ce que vient de déclarer le 23 septembre la présidente de Lubrizol France un an après l’incendie de l’usine d’additifs chimiques Lubrizol et de Normandie Logistique, l’entrepôt voisin.
Pourtant cet incendie a « déversé dans l’environnement 10 000 tonnes de produits chimiques, dont la toxicité est attestée par 479 fiches de sécurité faisant état d’un large éventail de substances cancérogènes, reprotoxiques et mutagènes, toxiques pour les organismes aquatiques, pouvant provoquer des troubles neurologiques... » [1]
Des prélèvements ont bien été faits dans l’environnement, à la charge des entreprises par un bureau d’études choisi par celles-ci, mais l’administration n’a organisé au décours de l’accident aucune campagne de prélèvements auprès de la population générale, ni des publics plus vulnérables (enfants, femmes enceintes, personnes âgées ou atteintes de pathologies respiratoires ou cardiaques) ni des publics spécifiques ayant été particulièrement exposés (personnes intervenues sur le site de l’incendie). Aucun registre de suivi des grossesses, ni des maladies favorisées par les produits répandus par l’incendie n’a été mis en place. Il n’existe même pas de registre des cancers en Normandie [2]
Ces études et registres sont des revendications portées par le Collectif unitaire Lubrizol
Affirmer qu’il n’y a pas d’impact est un mensonge de la part de l’entreprise.
Ne pas mettre en place d’études pour évaluer l’impact au long terme du cocktail de produits toxiques dégagés par l’incendie est une faute de la part de l’état.
Début 2019, s’étant rendu compte que des cancers étaient diagnostiqués chez plusieurs enfants du secteur de Sainte Pazanne, et pour certains de la même école, des habitant.e.s ont créé le collectif Stop au cancer de nos enfants. Ce collectif mène en réseau un véritable travail de recherche, et d’interpellation des autorités sanitaires et se heurte à l’incapacité des agences sanitaires à enquêter sur l’effet cocktail de l’exposition à différents toxiques qu’ils soient chimiques ou physiques [3].
En novembre 2019, suite à la mobilisation du collectif, l’Agence régionale de santé des Pays de la Loire (ARS) et Santé publique France (SPF) déclaraient « L’analyse épidémiologique valide le fait que le nombre de cancers pédiatriques sur le secteur des 7 communes sur la période 2015-2019 est plus important que ce que l’on observe en moyenne en France ».
SPF annonçait le même jour qu’elle cessait l’enquête car un questionnaire épidémiologique n’avait pas mis en évidence de « cause commune identifiée ».
Quant à l’ARS, elle poursuivait le travail de « lever de doute » par des prélèvements ciblés au niveau de l’école et des familles.
Ces mêmes agences publiques viennent de déclarer le 23 septembre 2020 : « L’analyse statistique conclue à l’absence d’un risque anormalement élevé de cancers pédiatriques sur le secteur de Sainte-Pazanne par rapport au reste du département ».
La période prise en compte pour cette nouvelle analyse statistique est maintenant 2005-2018 et le périmètre est le département.
Un cluster peut-il disparaître en changeant la période d’étude ou le périmètre de référence ?
Lubrizol-Sainte-Pazanne, deux versants d’une même problématique au niveau sanitaire et environnemental, celle de la toxicité chronique et de l’effet cocktail des produits, celle de l’absence de véritable politique au service des citoyens.