Il aura donc fallu deux ans pour que le gouvernement autorise le député Gérard Bapt à déposer un amendement au projet de loi rectificatif du budget de la Sécurité sociale, amendement destiné à encadrer juridiquement la mise en œuvre d’une RTU (Recommandation temporaire d’utilisation) de l’Avastin® en lieu et place du Lucentis®. C’est chose faite depuis ce Mercredi 2 Juillet, devant l’Assemblée nationale .
Deux années écoulées en pure perte – mais pas pour tout le monde – puisque l’on peut chiffrer la dépense indue correspondante pour la Sécurité sociale à quelque 300 millions d’€ par an, au cours des deux dernières années. Rappelons que c’est en Juillet 2012 que le Ministère de la santé interdisait aux hôpitaux la substitution de l’Avastin® au Lucentis®, le premier étant 20 fois moins cher que le second…
Nous avons été les témoins impuissants des actions engagées en Allemagne puis en Italie, à l’encontre des firmes prédatrices, Roche et Novartis. Nos questions, pendant ce long intervalle se sont heurtées à la surdité – au mépris ? – des instances officielles, Ministre de la santé en tête. Il aura fallu qu’un syndicat de médecins, le SMG, prenne le dossier en main, interpellant le Président de la République lui-même. Alors, là, oui, les choses ont commencé de bouger, avec le relais pris par la grande presse ou par de puissantes organisations (Que Choisir), prenant sur elles de saisir l’Autorité de la concurrence.
Entre temps, l’Italie, que nous donnions en exemple, n’avait pas perdu de temps : amende record de 180 millions d’€ infligée au deux groupes concernés par l’autorité de la concurrence, au motif d’entente illicite, mise en examen pour "Association à visée criminelle, corruption, escroquerie, dommages à l’Etat, agiotage" de cadres des mêmes compagnies et, enfin, réclamation par le Ministère de la santé d’1 milliard 200 millions d’€ de dommages-intérêts sur ce dossier, adressée aux mêmes entreprises, au titre de l’ensemble des pertes encourues par l’Etat au cours des deux années écoulées.
Nous n’en sommes évidemment pas là en France. Pusillanimité face au chantage juridico-économique des groupes concernés ? Toute puissance des lobbies ? Incompétence des autorités administratives ? Vaste choix… C’est donc le 2 Juillet seulement que l’amendement RTU a été examiné par l’Assemblée nationale, puis le sera par le Sénat, avant la fin du mois de Juillet. Deux années pour sortir du tunnel où s’était enlisé son prédécesseur, le fameux décret d’application RTU resté, lui, en souffrance.
Le gouvernement, pour expliquer ce long délai, peut se réfugier derrière la prudence, clef de l’efficacité. « Nous sommes pressés, hâtez-vous lentement ! » commandait ainsi Churchill à son chauffeur, vraisemblablement un peu casse-cou. Mais n’est pas Churchill qui veut. Le malheur est que les autorités sanitaires françaises, gangrenées par les lobbies, à défaut de son intégrité comme de son courage, n’en possèdent que les oripeaux.