Un pari osé : gérer une maison de santé communautaire

Ce texte peut faire débat, dans la mesure où, usant d’un ton volontairement provocateur, le Président du SMG y dénonce la précarité quasi organisée de ces structures, réduites à faire la manche pour remplir un rôle de santé publique délaissé par les « politiques ». Pratiques, en le publiant, espère susciter l’intérêt et surtout les réactions de ses lecteurs.

La situation de la Case Santé est exemplaire de la difficulté, voire de l’impossibilité, de se situer dans l’innovation de la construction de structures de santé communautaires. Et que l’on ne nous fasse pas croire que c’est à cause d’une incompétence de gestion. C’est structurellement que la fragilité est organisée, voulue.

Pour présider l’ACSBE « la Place Santé », je suis au cœur même de cette réalité. Ces structures sont placées à la marge du système de soins et donc par essence cantonnées à l’expérimental, même si tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont nécessaires et même indispensables en certains lieux. Le modèle économique qui pourrait les rendre viables existe, c’est celui du financement global et pérenne, sur projet de santé territorial.

Actuellement, le système fonctionne avec le paiement à l’acte, antinomique au projet de santé, et avec des bouts de financements puisés dans des procédures expérimentales, donc aléatoires. Ces financements sont gérés par de multiples institutions et remis en cause à chaque changement de politique, tout en exigeant des procédures d’évaluation que l’on n’oserait même pas demander à un service public.

Pour survivre, il faut donc se prévaloir d’un projet fort, reconnu par les institutions. Mais cette reconnaissance est aléatoire, les actions que nous voulons conduire ne sont pas forcément en phase avec le projet politique des institutions.

Il faut posséder un « savoir-faire » opérationnel pour aller chercher les subventions, c’est-à-dire répondre aux appels d’offres, en caressant le financeur dans le sens du poil !

Il faut disposer d’un carnet d’adresses bien étoffé, manier la dialectique et la tactique institutionnelles, parler et écrire le langage administratif, avoir des nerfs d’acier, un sens politique de la défense de sa structure, être volontiers putschistes, menacer en permanence de l’arme de la conférence de presse, donc bien connaître les journalistes, savoir répondre à leurs demandes, parfois exaspérantes, stupides ...

Et aussi, savoir être fourbes ; faire ce que l’on a envie de faire et dire que l’on fait ce que le financeur souhaite que nous fassions, c’est-à-dire fournir des évaluations bidon. Faire des concessions apparentes n’est pas un déshonneur ! Le dogmatisme, en la matière, est souvent suicidaire ; par contre, il faut savoir être opportuniste.

Tout cela ne s’apprend pas dans les écoles de management mais sur le terrain car, et c’est le principal, il est facile de constater que même en ayant rassemblé toutes ces compétences, la fragilité extrême de nos structures ne nous met pas à l’abri de la cessation de paiements. C’est avant tout une bataille politique qu’il faut mener. La responsabilité d’avoir, pour nous, à la Place Santé, 20 salaires à assurer tous les mois, est très lourde à porter et l’on comprend que cela puisse effrayer.

Aujourd’hui, l’action politique c’est de pouvoir dire haut et fort que lorsque la droite gouverne il est plus facile de gérer nos structures que lorsque c’est le PS. Ce constat est affligeant et pourtant véridique.

Pour sauver la Case Santé, c’est une bataille politique qu’il faut mener, avec les soignants et la population du quartier. C’est en étant solidaire de cette bataille que le SMG sera, sur le long terme, le plus à même d’aider la Case.

lundi 29 septembre 2014, par Didier Ménard

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