Conditions de vie des migrants en instance de passage en Grande Bretagne dans la "jungle" de Calais : Interpellation d’Eric Besson, à propos de son récent passage à Calais, par le Dr Martine Devries. [1]
Le coordinatrice de Médecins du monde - qui siège au comité de pilotage de la PASS (Permanence pour l’accès aux soins de l’hôpital de Calais), créée il y a une douzaine d’années -, a demandé que les pouvoirs publics mettent fin au plus vite à la situation intolérable de ces migrants, amenés, faute de points d’eau, à faire leur toilette et laver leur linge dans les eaux usées d’une usine classée Seveso !
Le Secours catholique était partant pour abriter des douches, mais le ministre lui aurait mis le "marché" en main : des douches contre la fermeture de son point d’accueil de jour de ces migrants, sous prétexte de gêne occasionnée au voisinage. Le Secours catholique a refusé.
Les migrants continueront à s’intoxiquer avec les eaux de cet égout chimique.
Pour l’information de nos lecteurs, nous avons jugé utile de leur communiquer la lettre reproduite ci-dessous, adressée par Médecins du Monde au Ministre, et relative au traitement des questions de santé de ces migrants.
Monsieur le Ministre,
En réponse à votre lettre du 7 avril et après votre passage à Calais fin janvier, voici les propositions de Médecins du Monde :
1. D’abord et avant tout, nous demandons que leur accès à l’eau soit établi en différents points de la ville : c’est une mesure simple, très efficace en matière de réduction des risques sanitaires, tant pour eux qu’en terme de santé publique.
Depuis quelques semaines nous savons, (tout le monde sait) que les migrants de la « jungle » de Calais pénètrent dans l’usine Tioxyde pour utiliser douches et point d’eau, contrevenant ainsi au règlement d’une usine classée Seveso et prenant des risques pour eux-mêmes.
Un fait nouveau est apparu depuis quelques jours : ils utilisent les eaux évacuées dans un canal par cette usine, (eau blanche et tiède) pour se laver, et laver leur linge, s’exposant ainsi peut-être à des risques toxiques. Ceci malgré les informations données en diverses langues (anglais, arabe, pachtoun,) par les bénévoles associatifs et le personnel de la PASS. Ils se plaignent fréquemment de nausées et de douleurs abdominales, sans qu’on puisse établir le lien avec certitude pour le moment. Quoiqu’il en soit, les risques qu’ils prennent de cette façon ne sont rien auprès des dangers qu’ils ont affronté durant leur périlleux voyages, et qu’ils prennent, nous le savons, pour traverser la Manche. Donc, ce ne seront pas des grillages supplémentaires qui vont les arrêter...
Cependant ces « délits » (s’introduire dans l’usine, utiliser des eaux clairement affichées comme nocives et interdites) ne sont motivés que par l’absence d’eau potable et sanitaire à proximité de leur campement, et à l’absence de douches sur tout le territoire de Calais. Il y avait déjà recrudescence de gales, de surinfections cutanées, voici maintenant des risques de toxicité. Nous pensons que la simple ouverture de points d’eau à proximité des « jungles » supprimerait quasiment les risques toxiques. Nous ne pensons pas raisonnable d’évoquer le risque « d’appel d’air » ou « de point de fixation » pour une simple mise à disposition d’eau potable et sanitaire.
2. En tant qu’association médicale, nos « revendications » sont assez simples, et se basent sur les notions de droit à la santé qui font partie de la législation française :
? Toute personne sur le territoire et quel que soit son statut administratif doit pouvoir bénéficier d’un accès aux soins (le droit à la santé)
? Les dispositifs qu’il faut mettre en place pour les "migrants en transit", sont ceux qui existent dans le droit commun :
a) Essentiellement les PASS (Permanences d’Accès aux Soins de Santé)
b)Mais aussi leur complément logique, les Lits Halte Soins Santé. Il faut rappeler que les 6 LHSS alloués à Calais sont notoirement insuffisants.
Nous avions évoqué ces sujets lors du tour de table de janvier. Médecins du Monde, après celle de Calais, tente d’obtenir des PASS efficientes, indépendantes du Service des Urgences,notamment à Dunkerque où les discussions avec la direction piétinent,au grand dam de l’accès aux soins des migrants. Voire une PASS mobile permettant d’aller vers les patients.
Ces deux dispositifs sont évidemment destinés de façon générale aux plus précaires, (et par exemple tout autant au public SDF), comme aussi les
structures d’hébergements (public sans abri...)
? Quant aux mineurs : la France leur doit protection et à ce titre, ils doivent être accompagnés et accueillis dans des centres appropriés aux jeunes migrants, qui à l’heure actuelle n’existent pas dans le Calaisis.
? La diffusion des informations sur les droits de ces personnes lorsqu’elles sont en transit sur le territoire français est indispensable (informations qui devraient être traduites dans les principales langues parlées par les migrants) : droit d’asile et procédure, accès aux dispositifs de soins... Des informations objectives pourraient aussi limiter celles, erronées, qui sont fournies par des tiers.
? Les migrants sérieusement malades doivent
bénéficier d’une régularisation pour raisons médicales.
? D’une façon générale, les formalités
administratives doivent être accessibles à Calais et non, en l’espèce, à Arras, ville distante de 100 km, ce qui crée des difficultés voire des impossibilités pour des personnes malades.
? Il nous faut aussi, bien sûr, demander l’abrogation de la circulaire du 21 février 2006 portant sur les conditions d’interpellations des étrangers en situation irrégulière. Cette circulaire qui mentionne les lieux d’interpellation comme les hôpitaux, les accueils des associations remet en cause les principes fondateurs de la déontologie médicale.