Lucentis® : le contre-feu désespéré de Novartis !

Un communiqué de Novartis annonce la sortie d’un nouveau conditionnement de son produit phare, le Lucentis®, sous forme, non plus de flacons mais de seringues préremplies [1]. Quelles sont les raisons de cette décision ?

Rappelons les faits : Novartis commercialisait jusqu’ici le Lucentis® sous forme de flacons de 0.23 ml dont le contenu résiduel était jeté, en pure perte, après prélèvement des 0.05 ml nécessaires à une injection, pour le traitement de la DMLA [2]. Le tout au prix actuel de 900 € le flacon.

Dans cette situation, l’industriel allemand, Apozyt (ou encore, Aposan), a eu la double idée :

  • De reconditionner la matière active du Lucentis®(« le Ranibizumab ») en flacons contenant une dose réduite au strict nécessaire, au prix de vente de l’ordre de 600 € la seringue préremplie, d’après les indications de la presse allemande. Cette activité a été entérinée par la Cour de justice européenne, déboutant ainsi Novartis de la plainte qu’il avait élevée à cette occasion, contre son concurrent allemand. [3]
  • Mieux encore, de reconditionner en seringues ophtalmologiques préremplies, toujours pour le traitement de la DMLA, la matière active d’un médicament destiné à l’origine à des traitements anti-cancéreux, l’Avastin®(le « Bevacizumab »), produit par Roche, d’efficacité comparable à celle du Lucentis® sur la DMLA, mais bien meilleur marché. Il ne semble toutefois pas que ce conditionnement ait été déjà mis en marché par Apozyt, en dépit du feu vert obtenu de la Cour de justice européenne également sur ce point. Le prix de l’Avastin® sur le marché se situant aux environs de 4 € le mg de matière active (le « Bevacizumab ») et la dose nécessaire par injection étant ici de 1.25mg de matière active, cela porterait en théorie le prix de base de l’injection à 5 €. Même en multipliant ce prix par 10 pour tenir compte de la nécessité de dépasser la dose minimale en raison des pertes à l’injection comme de celle d’inclure les coûts de reconditionnement ophtalmique du produit, le prix de l’injection serait ramené à 50 € seulement . L’économie serait substantielle, comparée au prix de 900 € du Lucentis® dans son emballage d’origine de 0.23 ml par Novartis, et même celui de 600 € du Lucentis® dans son conditionnement réduit par Apozyt…

Après son échec devant la Cour européenne de justice, et sa condamnation par l’Autorité de la concurrence italienne [4] à une lourde amende pour entente illicite avec Roche,( en raison de leur tentative supposée d’empêcher la mise en marché d’une préparation ophtalmologique de l’Avastin® [5]) , Novartis essaie donc de sauver les meubles en annonçant la mise sur le marché de son produit phare en seringues reconditionnées. Le prix n’est pas encore indiqué, pas plus que la quantité qui sera contenue dans ces seringues.

On attend maintenant avec intérêt de savoir :

  • Si ces seringues contiendront la dose strictement nécessaire, ramenant leur prix au minimum à la moitié de ce qu’il était, pour le mettre au niveau de celui d’Apozyt ?
  • Si le gouvernement français s’abritera derrière cette manœuvre dilatoire pour continuer à s’opposer au reconditionnement de l’Avastin® sur le territoire national, contrairement à son voisin allemand ?

Les paris sont pris : Novartis et Roche continueront-t-il de dicter leur politique de santé aux autorités sanitaires françaises, à l’image de l’United fruit company, trust mondial de la banane, régnant sur le Guatemala des années 60 ?

Auquel cas, il faudra bien se résigner à parler de république bananière et de corruption aux niveaux élevés de l’Etat. Ou bien, dans un sursaut salutaire, le Président de la République en personne mettra ses actes en conformité avec ses paroles, faisant lui-même le ménage des écuries d’Augias, pour mettre fin à un scandale à plus de 500 millions d’€ par an, et dont l’énormité donne une faible mesure du pillage de la Sécurité sociale auquel se livrent impunément aujourd’hui les multinationales du médicament.

mercredi 2 avril 2014, par revue Pratiques


[2Dégénérescence maculaire liée à l’âge, qui menace de cécité plusieurs millions de personnes à travers le monde.

[5Les deux groupes ont annoncé leur intention d’interjeter appel de cette décision.

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