Le rapport de l’Inserm (septembre 2005) consacré aux « troubles des conduites de l’enfant » pose des questions éthiques : est-il légitime de rechercher systématiquement chez les enfants de trente-six mois les prémices de ces troubles ? « Refus d’obéir, n’a pas de remords, ne change pas sa conduite », sont-ils à cet âge-là prédicateurs de troubles futurs ou plutôt signes de vitalité que l’adulte aura la charge de canaliser ou parfois mieux de sublimer ? Pour les auteurs, le contrôle social ne saurait attendre d’où « un repérage et suivi des enfants à risque dès la période anté et périnatale ». L’Inserm est bien en phase avec le contexte politique actuel : promouvoir une politique de sécurité quitte à éliminer toute pensée critique, car le plus étonnant est l’absence d’analyse de ces troubles : sans s’interroger sur la signification idéologique de ce cadre diagnostique importé d’Outre-atlantique, les auteurs n’ont de considération que pour l’étiologie génétique. Ils ne nient pas que les troubles des conduites puissent dépendre d’autres facteurs, mais les causes psychologiques, anthropologiques, sociologiques, économiques et politiques sont très peu étudiées.
On ne s’étonnera pas dans ces conditions de la pauvreté des propositions. Hors des thérapies cognitivo-comportementales et de la prescription de psychotropes, point de salut. La psychanalyse n’est pas évoquée. Les auteurs du rapport lui préfèrent des « psychothérapies » fondées sur quatre principes qui méritent d’être cités :
- développer un système de soutien et d’étayage social pour l’ensemble des familles ;
- favoriser les contacts de l’enfant avec des pairs pro sociaux ;
- limiter les contacts avec des pairs antisociaux ;
- augmenter le soutien scolaire et les interactions avec les enseignants.
Autrement dit, les « psychothérapies » proposées consistent à intervenir auprès des parents et des enseignants et conseiller les bonnes fréquentations plutôt que les mauvaises. On aurait pu penser qu’une psychothérapie s’intéresserait aussi à la parole de l’enfant.
La violence des enfants et des adolescents est un phénomène de société, sinon nouveau, du moins présentant des aspects peu connus auxquels la santé et la justice sont confrontées. Répondre par une psychiatrisation des troubles des conduites de l’enfant susceptible de se mettre en œuvre dès le plus jeune âge n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
Avant d’apporter des réponses, ne vaudrait-il pas mieux se poser quelques questions ?
« Les non dupes errent » s’amusait sérieusement Jacques Lacan. Et les dupes experts ?
Olivier Boitard
Membre de l’Union Syndicale de la Psychiatrie
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