Je n’aime pas la publicité en général et j’aime encore moins la publicité pharmaceutique.
La santé est un bien précieux, les médecins devraient avoir une formation qui les rendent compétents motivés attentifs Il n’y a pas de place, il ne devrait pas y avoir de place pour le mensonge la ruse les simplifications abusives et intéressées
Une publicité pharmaceutique est inadmissible par principe ; elle devient plus détestable encore lorsqu’elle promeut un produit inefficace et dangereux
La revue Prescrire, avril 2012, présente pour la critiquer une publicité des laboratoires Lilly pour leur produit Cymbalta.(cf pièce jointe)
Cette publicité est surmontée d’un NON ! en très gros caractères et accompagné d’un commentaire suivant faisant suite à ce Non :
« La Duloxétine ne rend service ni aux soignants ni aux patients.
Elle expose à beaucoup trop d’effets indésirables contre indications « mises en garde spéciales », interactions médicamenteuses sans garantie d’une efficacité tangible »
Et la revue poursuit :
« Pour savoir dire « stop » à la duloxétine, lire ou relire entre autres dans Prescrire, n° 274 p 486, n°303 page 9, n°320 p 423 et la section 22-1-3 du Guide Interactions médicamenteuses »
Cette protestation contre une publicité très contestable est bien sûr bienvenue mais cette publicité a une particularité
Elle commence par cette phrase « Ils ne seront peut être pas soulagés de leur DNDP, mais vous pouvez les aider »
Le laboratoire parle au médecin d’un groupe énigmatique : le groupe que les médecins sont invités par le laboratoire à soulager de leur DNDP.
Qui est ce groupe ? Et qu’est ce que le DNDP ?
Le médecin destinataire de ce message va l’apprendre en lisant la suite de la publicité « Avec Cymbalta, guidez vos patients à travers les méandres de leur Douleur Neuropathique Diabétique Périphérique »
Un diabétique qui a des douleurs souhaite habituellement être soulagé plutôt que « guidé dans les méandres de sa douleur »
Mais cette formulation n’est pas anodine. Normalement une personne qui souffre va demander de l’aide au médecin, celui ci fait le diagnostic et propose un traitement qui peut ou non comporter la prescription d’un ou de plusieurs médicaments.
Dans ce qui est la procédure normale, les intervenants sont dans l’ordre 1) la personne qui souffre, 2) le médecin, 3) le traitement
Dans la publicité, l’ordre est inversé, c’est le laboratoire qui est placé en premier, c’est lui qui attire l’attention du médecin sur un groupe qu’il s’agit d’aider, le médecin est en deuxième position et en troisième position, il y a la personne qui souffre, ou plus exactement le DNDP, celui qui est défini ainsi par le laboratoire comme futur consommateur du produit vendu par le même laboratoire.
Le docteur Marina T se situe à l’extrême opposé de ce discours cynique intéressé. _ Interrogée sur le Sida par Elisabeth Quin (Arte émission 28 minutes le 29 mars 2012), elle se montre compétente, humaine, intelligente, elle est par ailleurs belle et discrète, mais elle dit « les séropo et les séronég ».
Beaucoup de médecins utilisent fréquemment des abréviations ou des sigles. S’agit il de se donner le sentiment d’être des techniciens tellement habitués à parler de ces sujets qu’ils n’ont pas besoin d’être précis ? S’agit-il, en parlant avec des diminutifs et des petits noms, de se construire un monde plus proche de l’enfance et du jeu ? Fuir la gravité par le jeu avec les mots ?
Dire séropo ou séronég comme dire reco (recommandations) ou nume (numération ) cela fait gagner quelques secondes dans une journée, mais si je me dis que gagner quelques secondes mérite que j’écorche la langue, c’est que mes secondes sont d’une grande importance, c’est peut-être une vie sauvée de plus ?
En fait, ces petits jeux avec le langage qui sont parfois irritants, sont innocents, mais ils construisent le terrain, ils forment les esprits à accepter des utilisations de la langue par des acteurs beaucoup moins innocents.