Anne Perraut Soliveres
Cadre supérieur infirmier, praticien-chercheure
L’être humain est par essence faillible, imprévisible, inconstant et il faudrait être particulièrement naïf pour oser nier cette évidence. Il jouit d’ailleurs, selon l’expression populaire, du « droit à l’erreur » puisque l’on admet généralement que « l’erreur est humaine ».
Or le soignant lui, n’a pas droit à l’erreur, condamné par sa fonction à l’irréprochabilité, du fait des possibles conséquences dramatiques de certains de ses actes. Doit-on en déduire qu’il doit se situer au-dessus de l’humaine condition ? À moins qu’il s’en remette à la divine bienveillance ou à la méthode Coué ? À l’ère du tout sécuritaire quels dispositifs nos institutions ont-elles mis en œuvre pour sécuriser l’exercice soignant et limiter les risques ? Aucun ! Par contre, jamais elles n’ont autant exigé d’eux ni aussi peu accordé d’indulgence à la moindre défaillance.
Loin de moi l’idée de justifier l’injustifiable. L’incompétence ou la négligence ne sont pas davantage acceptables que dans d’autres domaines, ni moins… Pour autant, comment tenir compte de la fatigue, de la baisse de vigilance, du jour « sans » et autres impasses de l’humaine condition ? Ce qui m’interroge, c’est l’absence de plus en plus inquiétante de garde-fou, de réflexion sur les conditions de la pratique, la multiplication des situations de soin dangereuses alors que se met en place une foultitude de contrôles, de traçabilité des actes, destinée à identifier le fauteur. De prévention, là encore, il n’est pas question, ni dans la considération des conditions objectives et subjectives de travail, ni dans l’évaluation des risques inhérents à certains gestes ou situations complexes.
Au fil des années, j’ai vu grandir le sentiment d’insécurité des soignants, l’angoisse de la faute, l’intolérance de l’encadrement à la moindre peccadille. En parallèle, j’ai vu se multiplier les erreurs dont certaines se révèlent stupéfiantes. Y aurait-il une relation de cause à effet ?