Le soignant est-il un être humain ?

Anne Perraut Soliveres
Cadre supérieur infirmier, praticien-chercheure

L’être humain est par essence faillible, imprévisible, inconstant et il faudrait être particulièrement naïf pour oser nier cette évidence. Il jouit d’ailleurs, selon l’expression populaire, du « droit à l’erreur » puisque l’on admet généralement que « l’erreur est humaine ».

Or le soignant lui, n’a pas droit à l’erreur, condamné par sa fonction à l’irréprochabilité, du fait des possibles conséquences dramatiques de certains de ses actes. Doit-on en déduire qu’il doit se situer au-dessus de l’humaine condition ? À moins qu’il s’en remette à la divine bienveillance ou à la méthode Coué ? À l’ère du tout sécuritaire quels dispositifs nos institutions ont-elles mis en œuvre pour sécuriser l’exercice soignant et limiter les risques ? Aucun ! Par contre, jamais elles n’ont autant exigé d’eux ni aussi peu accordé d’indulgence à la moindre défaillance.

Loin de moi l’idée de justifier l’injustifiable. L’incompétence ou la négligence ne sont pas davantage acceptables que dans d’autres domaines, ni moins… Pour autant, comment tenir compte de la fatigue, de la baisse de vigilance, du jour « sans » et autres impasses de l’humaine condition ? Ce qui m’interroge, c’est l’absence de plus en plus inquiétante de garde-fou, de réflexion sur les conditions de la pratique, la multiplication des situations de soin dangereuses alors que se met en place une foultitude de contrôles, de traçabilité des actes, destinée à identifier le fauteur. De prévention, là encore, il n’est pas question, ni dans la considération des conditions objectives et subjectives de travail, ni dans l’évaluation des risques inhérents à certains gestes ou situations complexes.

Au fil des années, j’ai vu grandir le sentiment d’insécurité des soignants, l’angoisse de la faute, l’intolérance de l’encadrement à la moindre peccadille. En parallèle, j’ai vu se multiplier les erreurs dont certaines se révèlent stupéfiantes. Y aurait-il une relation de cause à effet ?


mardi 8 octobre 2019, par Anne Perraut Soliveres

Lire aussi

Les chroniques de Jeanine l’orthophoniste

27 août 2024
par Isabelle Canil
Isabelle Canil nous raconte la vie de Jeanine, une orthophoniste tour à tour amusée, fatiguée, émouvante, énervée et toujours pleine d’humour, une orthophoniste humaine, vivante et donc complexe, …

Médiator : les laboratoires Servier vont-ils être enfin condamnés pour escroquerie ?

16 janvier 2023
par Marie Kayser
Dès 1977 la revue Pratiques avait dénoncé la structure amphétaminique du Médiator©, et appelé à ne pas prescrire ce médicament coupe-faim présenté par les laboratoires Servier comme un …

Collectif des 39 : La sangle qui attache tue le lien humain qui soigne

17 septembre 2015
par revue Pratiques
Une pétition du Collectif des 39, signée par de nombreuses personnalités du monde intellectuel, du soin psychiatrique et des arts interpelle les parlementaires au sujet du retour de la contention …

S’il vous plaît, le médecin généraliste ne doit pas être le pivot du système de santé !

8 octobre 2011
par Didier Ménard
Le débat pour les futures présidentielles est engagé. J’ai entendu les protagonistes du PS débattre des questions de santé, c’est tout à leur honneur, mais de grâce, dites leur de ne plus …