Une histoire simple d’exclusion sociale

La Caisse d’Assurance Maladie participe à l’exclusion sociale.

Une femme de 42 ans travaille en tant que caissière dans une grande surface. Ce travail provoque une pathologie tendino-musculo-squelettique qui la marginalise dans l’entreprise avec, en plus, un syndrome de stress. Le médecin du travail l’adresse à une consultation spécialisée à l’hôpital. Le médecin hospitalier la soigne et prononce une prolongation d’arrêt de travail d’un mois.

D’un point de vue médical, rien à dire. D’un point de vue administratif, c’est l’erreur. En effet, la loi Douste Blazy est passée par là et crée une formidable complexité du parcours de soins qui exclut souvent les plus malades, et cela en vue d’une finalité qui a démontré son ineptie. Cette femme, qui était donc en arrêt maladie, s’est vu notifier par sa caisse primaire qu’elle ne pourrait plus bénéficier de ses indemnités journalières car, Oh ! Sacrilège, le médecin hospitalier n’est pas le médecin traitant : le délit est constitué, la sentence prononcée : plus d’argent ! Comme cette femme habite avec ses trois enfants une cité de la banlieue et quelle est seule, ses réserves financière sont au plus bas et l’effroyable équation : « pas d’argent = pas manger », s’applique à la situation.

Informé, le médecin traitant se hâte de réparer le sacrilège et rédige un duplicata de l’arrêt de travail, expliquant que cet arrêt est, de son point de vue, justifié. Mais, et ce n’est pas un hasard, plus le parcours de soins est compliqué et injuste, plus la caisse primaire se protège. Elle a construit un rempart contre la communication : la plateforme téléphonique. Cet outil, qui ne permet plus la communication directe entre les médecins et le personnel administratif, a l’avantage pour la caisse de résoudre par l’annihilation ce type de problèmes. Il eût été plus simple de procéder comme avant le système du médecin traitant, expliquant de vive voix la situation, ce qui aurait permis de réparer l’injustice faite à cette femme, qui n’avait fait que suivre les recommandations de ses docteurs.

A présent, pour elle qui, rappelons-le, est malade, c’est le parcours du combattant qui commence. Avec la notification de suppression de ses indemnités journalières et la lettre du médecin traitant, elle va tenter de trouver la personne qui l’écoute, qui comprenne la situation, qui agisse pour qu’elle puisse retrouver ses indemnités et faire ses courses...

Comme le médecin traitant est têtu, il ne va pas lâcher l’affaire, mais combien de personnes abandonnent et s’enfoncent ainsi davantage dans la marginalisation sociale.

Et de plus, comble de l’ignominie, au bas de la notification qui prononce la sentence, il est écrit en gras : toute personne qui ne respecte pas la réglementation s’expose à des sanctions. Nous savons bien que l’idéologie dominante, maintes fois répétée, hier encore par le président de la République, est de faire croire que tout malade est un fraudeur en puissance. S’ajoute ainsi, à l’exclusion des soins, la suspicion .Tout ceci serait justifié par le fait que la fraude entraînerait le déficit des comptes de l’Assurance maladie, ce qui est bien entendu faux et révoltant quand on sait combien l’Assurance maladie jette l’argent par les fenêtres - comme elle l’a fait pour le Dossier Médical Personnel qui vient de consommer plusieurs dizaines de million d’Euros pour rien - et dans des proportions terriblement plus massives que la fraude réelle.

Mais il est plus facile de culpabiliser les malades, surtout les plus faibles, que de bien gérer l’argent de la collectivité.

jeudi 25 septembre 2008, par Didier Ménard

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