Fruit d’une expérience et d’un engagement personnels, mais aussi d’une réflexion et d’une enquête approfondie, ce livre se propose, à travers une démarche théorique et éthique aux accents souvent militants, de rendre la parole à celles que notre société, et pas seulement le système médical, laisse dans le silence et dans l’ombre : les infirmières de nuit.
Quel savoir ces infirmières, confrontées quotidiennement à la souffrance, à la faiblesse et à la mort, développent-elles ? Quelle est la particularité du « monde de la nuit », qui constitue la face cachée, impensée de la médecine et au-delà même de la science dans son entier ? Quelles valeurs produit-il ? La nuit est ce moment où les normes, les structures, les rites, le temps même semblent disparaître, et laisser place à la sensation que tout peut arriver : la mort qui rôde et qui ne se décide pas, ou qui se trompe parfois de malade. C’est le moment du vide, de l’aventure, de l’inattendu, mais aussi celui de la liberté et d’une plus grande disponibilité envers les patients.
Pour explorer ce savoir de la nuit, et afin que s’éclaire la nuit du savoir, Anne Perraut-Soliveres, elle-même infirmière de nuit, a enquêté pendant sept ans, recueillant de très nombreux témoignages de collègues.
Prenant appui sur une méthode particulièrement originale, qui mêle le « je » de l’auteur aux énoncés plus impersonnels de la recherche, cet ouvrage vise à redonner aux infirmières une position stratégique dont la déshumanisation croissante de l’institution hospitalière les a destituées. Il aidera les lecteurs à prendre conscience du piège qu’a tissé, avec l’assentiment d’une majorité silencieuse, un système de soins fondé uniquement sur le profit.
Préface d’Isabelle Stengers.