Encore un mauvais coup pour la médecine générale. La formation conventionnelle professionnelle, celle qui permet aux médecins d’assurer leur formation continue est remise en cause. Des médecins [1]forts éloignés de ce qui fait le quotidien d’un médecin généraliste et une institution, l’assurance maladie, ont décidé que le contenu de cette formation serait au service des intérêts de la dite institution. Ce qu’il convient de faire apprendre aujourd’hui aux médecins c’est comment diminuer les dépenses de santé.
Certes, cette exigence est louable, mais avant de l’imposer aux médecins généralistes et leur apprendre pendant deux jours à bien prescrire un lit médicalisé, il serait bon pour l’assurance maladie, afin d’être crédible, d’arrêter de jeter l’argent par les fenêtres. Elle vient de dépenser des dizaines de millions d’euro pour le Dossier Médical Personnel dont le sort est de rejoindre le placard des gaspillages de l’institution.
La formation continue des médecins est faite, en dehors de l’industrie pharmaceutique, pour permettre aux généralistes de se former à la gestion des situations complexes qui relève de l’exercice quotidien. Il y a une différence entre apprendre à mieux prescrire les arrêts de travail pour les diminuer, et apprendre à reconnaître une dépression chez l’adolescent pour prévenir le suicide. Cette différence est d’abord d’ordre éthique : la cotisation maladie des assurés sociaux, auxquels on ne demande pas d’avis, doit être utilisée pour améliorer l’offre de soins, pas pour diminuer un droit ouvert par la cotisation.
Ensuite, il y a là un contresens majeur sur le rôle de l’institution. L’assurance maladie n’a pas pour vocation de décider ce que doit être la pratique des professionnels. Par exemple, il est juste de décider que pour les actions de prévention et d’éducation thérapeutique et sanitaire, le médecin peut être rémunéré par des forfaits. C’est une grande avancée pour l’assurance maladie de comprendre enfin qu’il est de l’intérêt de tous que la fonction du généraliste ne soit plus de faire des actes de soins à la chaîne.
Mais elle doit aussi comprendre que c’est une idiotie de penser qu’elle seule, doit définir le contenu de cette prévention et éducation. Les représentations qu’elle se fait de ce qu’est l’exercice quotidien de la médecine générale ne peuvent pas se construire à partir des négociations qu’elle mène avec des syndicats médicaux. Ce n’est pas du tout la même chose que de négocier le contenu corporatiste d’une profession et le contenu métier d’un exercice professionnel : les enjeux sont différents. C’est bien parce que l’on se situe toujours dans cette confusion que l’on arrive à des contradictions telle que vouloir reconstruire aujourd’hui une version du médecin référent, alors qu’hier les mêmes protagonistes le supprimaient.
Il ne peut pas avoir de progrès dans la transformation du système de l’offre de soins s’il n’y pas d’espace de négociation hors corporatisme. Cet espace doit être un espace d’apprentissage de ce qu’est une logique institutionnelle et ce qu’est une logique professionnelle. Il faut commencer à respecter l’autre, et pour cela cesser d’humilier les médecins et soignants de premier recours. La diminution des dépenses de soins ne doit pas être un prétexte à faire n’importe quoi.
Le déficit de l’assurance maladie ne résulte pas d’une incompétence des professionnels et d’une irresponsabilité des malades. Il résulte, d’une part des choix politiques et budgétaires faits par le gouvernement, et d’autre part de l’inorganisation du système d’offre de soins. L’échec de la réforme du médecin traitant est là pour rappeler à ceux qui ont la mémoire courte qu’il n’y a pas de progrès en ce domaine sans respect du travail des acteurs qui feront le système de santé.