Un parcours d’obstacles de soins

Construire un parcours de soins pour permettre au malade de trouver plus facilement le bon médecin au bon moment est une bonne idée. Un des critères qui permet de savoir si une fois appliqué ce parcours atteint ces objectifs est de mesurer l’amélioration de l’accessibilité aux soins produit par le dit parcours.
Depuis 2004 et la réforme de Mr Douste Blazy ce parcours existe, et depuis cette réforme il est de plus en plus difficile d’accéder aux soins du moins pour les personnes qui en ont le plus besoin. Il s’agit là d’un paradoxe qui nous interroge. La finalité de ce parcours de soins voulu par le gouvernement est-elle bien ce qu’elle prétend être ? Ou derrière l’objectif annoncé n’y a t-il pas d’autres objectifs qui annihilent cet objectif principal. En la matière oui. Le plus important n’est pas que ce parcours de soins tente de redistribuer les cartes aux seins des corporatismes médicaux en ranimant la guéguerre entre médecine générale et médecine spécialisée. Le plus important c’est qu’il pénalise les malades, qu’il contrôle tout le processus de soins, et qu’il essaye de diminuer le remboursement des soins pour alléger le déficit.

Dénonçons d’abord ce mensonge qui dit qu’il n’est pas obligatoire. Toute personne qui n’a pas de médecin traitant ne peut plus bénéficier des droits aux soins que lui donne sa cotisation à l’assurance maladie, de fait ce parcours devient pour le malade obligatoire. Dès lors qu’il est obligatoire celui qui ne le respecte pas s’expose à des sanctions. C’est ce qui arrive. Hors parcours le taux de remboursement des soins est moindre. La prochaine loi de financement de la sécurité sociale a prévu de diminuer encore plus ce taux pour atteindre 30 % de remboursement hors parcours. On connaît la chanson gouvernementale : cela permet au malade de mieux être responsabilisé car en choisissant un médecin traitant il est mieux pris en charge. Cette affirmation n’est d’une part pas prouvée et d’autre part même si cela était le cas faut-il encore pouvoir accéder au médecin traitant. Ceux-ci sont de moins en moins nombreux, les jeunes ne veulent plus faire ce métier, et les vieux veulent partir plus tôt à la retraite (si le parcours de soins visait à revaloriser la médecine générale c’est loupé).

Parmi ceux qui ne choisissent pas de médecins traitants, il y a les personnes rarement malades et celles pour qui un taux de remboursement aussi bas n’a pas d’impact sur les revenus. Et puis il y a tous les autres, ceux qui passent de difficultés en difficultés pour vivre, ceux pour qui aller se soigner devient secondaire face à l’urgence sociale. Quand ils sont en couverture médicale universelle, il faudra payer 70 % de la consultation (comme les malades ne font pas l’avance des frais il est probable que les caisses d’assurance maladie feront comme actuellement, c’est à dire diminuer d’autant le remboursement du médecin, ce qui poussera celui-ci à ne plus recevoir de malade en couverture maladie universelle).

En clair, cette nouvelle mesure exclut davantage des soins les personnes les plus exposées socialement et chacun sait que le retard aux soins conduit à l’aggravation de la maladie et en définitif à une souffrance supplémentaire pour le malade et à un coût plus élevé pour la société. Il y une fois de plus avec cette mesure une atteinte à l’accès aux soins, une pénalisation de la souffrance sociale, une pénalisation des médecins qui exercent auprès des populations fragilisées, et un discours idéologique gouvernemental sur la responsabilisation des malades de plus en plus stigmatisant et donc de plus en plus abject.

Didier Ménard
Médecin généraliste

mercredi 15 octobre 2008

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