Un jour, pour un patient qui n’allait pas bien, qui avait eu un parcours de vie marqué par la solitude et que je voulais revoir, il m’est venu l’expression : On se revoit quand, nous deux ?, en ouvrant mon agenda pour trouver la date du prochain rendez-vous.
Il m’avait semblé que c’était important d’affirmer notre présence à chacun, le lien entre nos deux personnes, certes moi la soignante et lui le soigné, mais d’abord deux personnes humaines. Pour dire ce qui se passe au creux du soin, une rencontre.
Depuis, quand il faut chercher une date de rendez-vous, et que la question du lien est importante, ce « nous deux » me vient souvent.
En plus, il y a quelque chose qui m’amuse dans ce « nous deux », c’est le background du magazine à l’eau de rose dont c’est le titre. Je viens de regarder sur internet, leur slogan, c’est Le magazine qui porte bonheur. Il me semble que dans la relation thérapeutique, pour les patients, ceux qui ont vécu des rejets, des maltraitances, mais aussi les autres, c’est mieux de savoir son médecin impliqué dans le soin. Cela augure d’un bon soin. Peut-être que c’est performatif de conditions qui vont permettre que le soin se mette en place. Soit qu’il s’agisse de la nécessité d’un traitement « médical », soit qu’il faille que le patient trouve des ressources en lui ou autour de lui, ailleurs que dans la médecine.
Il y a quelques jours, j’étais dans mon bureau en train de finir un papier. Je sors la tête en ouvrant la porte de la salle d’attente et j’interpelle en la prénommant ma patiente suivante, disons Eulalie : Eulalie, à vous.
Et elle de se lever de la banquette et de répondre : À nous deux.
Cela m’a fait très plaisir.