Les souhaits de Bonne Année, au delà de la coutume, devraient être des moments de convivialité, et ils le sont, pour la plupart. Les vœux du Président devraient donc être aussi conviviaux et, avec toutes les limites de l’exercice, plutôt réconfortants. Coincé dans les embouteillages, j’ai pu entendre les vœux du chef de l’Etat et cela a nourri ma colère.
Je pense et j’espère que ses vœux sont sincères, mais cela ne justifie pas de prononcer des inepties aux conséquences funestes. Au moins deux affirmations m’ont choqué.
Dans le cadre de la lutte contre l’excès des dépenses publiques, il dit, pour l’Assurance Maladie, qu’il faut en finir avec le déficit – cette affirmation est assenée depuis 30 ans – et pour cela, en finir avec les abus. C’est très grave de prendre cette position. Tout le monde sait, en tout cas, à son niveau, il devrait le savoir, que le déficit est celui d’un défaut de recettes que lui même continue de promouvoir, et une organisation de l’offre de soins complètement défaillante – il devrait lire le rapport des sages sur la Stratégie Nationale de Santé. Cette méconnaissance est affligeante, mais ce qui l’est encore plus, c’est de véhiculer ce poison social qui est de faire croire que les malades, les bénéficiaires des droits sociaux, les médecins, sont des profiteurs. Ce discours est celui de l’exclusion, de la stigmatisation, ce n’est pas celui d’un rassembleur.
Le deuxième propos qui a nourri ma colère est relatif au pacte avec les entreprises. Le Président est fier du dialogue social, de l’accord national inter-entreprises, eh bien, il n’y a pas de quoi. Quelqu’un peut il lui dire, car je doute qu’il lise ce billet d’humeur, que la souffrance des salariés est à son maximum dans les entreprises ? Les modalités du « management », l’exacerbation de la compétition entre les personnes, la dictature de la productivité sur objectifs, l’obsession de la performance, engendrent des troubles graves qui conduisent de plus en plus de salariés dans les cabinets médicaux. La destruction organisée des moyens de la résistance dans les entreprises livre le personnel au pouvoir absolu de la gestion financière de l’entreprise. Alors, aujourd’hui, après avoir gommé la possibilité des accords par branches professionnelles, réduire le dialogue social au seul niveau de l’entreprise c’est participer à la genèse de la souffrance au travail. Il est indigne d’en faire l’annonce dans les vœux à la Nation.
Après l’écoute des vœux du Président, je me dis que l’année va être encore plus difficile que je l’imaginais, surtout pour ceux qui sont déjà dans la misère. Et ils sont nombreux.