Après plusieurs étapes législatives, la commission mixte paritaire a adopté mercredi 4 mai 2011 le fameux article du projet de loi sur l’immigration, dite loi Besson. Des médecins et des associations appellent à la désobéissance civile.
Le Dr Matthieu Lafaurie, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis (Paris) témoigne :
"Ce qu’on dénonce en tant que médecins (lire l’appel), c’est ce court passage du texte qui dit que sauf en cas d’absence de traitement dans leurs pays, les malades pourront être renvoyés chez eux. Alors qu’on sait pertinemment qu’un traitement peut exister mais ne pas être accessible ! C’est le cas notamment pour le sida ou d’autres maladies.
En réalité, si une pression politique est exercée dans les services hospitaliers, et donc que cet article de loi est vraiment appliqué, les gens arriveront aux urgences dans des conditions terribles. C’est ce qui se passe déjà avec les personnes très précaires. Pour échapper au renvoi dans leurs pays d’origine, les patients vont devenir clandestins, se cacher et venir se faire soigner en dernier recours.
Cet article s’inscrit dans une tendance qui se dessine déjà à l’hôpital, où certains responsables nous disent d’éviter la prise en charge de certains patients, pour des raisons financières. Mais même ce calcul-là est mauvais !
Le coût en termes humains et financiers d’une telle loi peut être dramatique. D’abord parce que des gens, faute de soins, vont mourir. Et puis aussi parce que retarder la prise en charge aura pour conséquence d’augmenter la durée des hospitalisations, ce qui coûte cher. Enfin, pour les personnes en situation d’épidémie, des rapports médicaux prouvent que l’absence de prise en charge et la clandestinité favorisent la contamination.
Toutes ces raisons éthiques et médicales nous amènent à refuser d’accepter cette mesure. Les nombreuses étapes du processus législatif nous ont parfois fait croire qu’elle ne passerait pas, par exemple quand les sénateurs l’ont rejetée. Mais finalement, en dernière lecture, on est revenu à la genèse du texte.
En tant que médecins, nous continuerons à faire notre boulot habituel, qui consiste à recevoir et traiter les gens aux urgences. Cependant, il est probable que certains patients n’oseront plus venir. Nous réfléchissons donc à la possibilité de faire du soin à l’extérieur de l’hôpital, sans trop savoir encore quelle attitude adopter. Sur ce point, nous sommes en relation avec les associations médicales et d’aide aux migrants, qui connaissent bien ces situations."