Le témoignage d’un médecin désobéissant

nous continuerons à soigner les patients étrangers

Le Dr Matthieu Lafaurie fait partie des initiateurs d’un appel contre l’article 17 ter du projet de loi sur l’immigration, qui restreint les conditions de délivrance de la carte de séjour pour raisons médicales.

Après plusieurs étapes législatives, la commission mixte paritaire a adopté mercredi 4 mai 2011 le fameux article du projet de loi sur l’immigration, dite loi Besson. Des médecins et des associations appellent à la désobéissance civile.

Le Dr Matthieu Lafaurie, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis (Paris) témoigne :

"Ce qu’on dénonce en tant que médecins (lire l’appel), c’est ce court passage du texte qui dit que sauf en cas d’absence de traitement dans leurs pays, les malades pourront être renvoyés chez eux. Alors qu’on sait pertinemment qu’un traitement peut exister mais ne pas être accessible ! C’est le cas notamment pour le sida ou d’autres maladies.

En réalité, si une pression politique est exercée dans les services hospitaliers, et donc que cet article de loi est vraiment appliqué, les gens arriveront aux urgences dans des conditions terribles. C’est ce qui se passe déjà avec les personnes très précaires. Pour échapper au renvoi dans leurs pays d’origine, les patients vont devenir clandestins, se cacher et venir se faire soigner en dernier recours.

Cet article s’inscrit dans une tendance qui se dessine déjà à l’hôpital, où certains responsables nous disent d’éviter la prise en charge de certains patients, pour des raisons financières. Mais même ce calcul-là est mauvais !

Le coût en termes humains et financiers d’une telle loi peut être dramatique. D’abord parce que des gens, faute de soins, vont mourir. Et puis aussi parce que retarder la prise en charge aura pour conséquence d’augmenter la durée des hospitalisations, ce qui coûte cher. Enfin, pour les personnes en situation d’épidémie, des rapports médicaux prouvent que l’absence de prise en charge et la clandestinité favorisent la contamination.

Toutes ces raisons éthiques et médicales nous amènent à refuser d’accepter cette mesure. Les nombreuses étapes du processus législatif nous ont parfois fait croire qu’elle ne passerait pas, par exemple quand les sénateurs l’ont rejetée. Mais finalement, en dernière lecture, on est revenu à la genèse du texte.

En tant que médecins, nous continuerons à faire notre boulot habituel, qui consiste à recevoir et traiter les gens aux urgences. Cependant, il est probable que certains patients n’oseront plus venir. Nous réfléchissons donc à la possibilité de faire du soin à l’extérieur de l’hôpital, sans trop savoir encore quelle attitude adopter. Sur ce point, nous sommes en relation avec les associations médicales et d’aide aux migrants, qui connaissent bien ces situations."

dimanche 8 mai 2011


le 05/05/2011
http://www.youphil.com/fr/article/03872-le-temoignage-d-un-medecin-desobeissant?ypcli=ano

Lire aussi

Les chroniques de Jeanine l’orthophoniste

27 août 2024
par Isabelle Canil
Isabelle Canil nous raconte la vie de Jeanine, une orthophoniste tour à tour amusée, fatiguée, émouvante, énervée et toujours pleine d’humour, une orthophoniste humaine, vivante et donc complexe, …

Jean-Robert Pradier : un médecin militant

17 décembre 2013
par Patrick Dubreil
Cet interview a été réalisé par Patrick Dubreil PREMIERE PARTIE : Les Africains à Thouars et la guerre d’Algérie Quelles sont tes origines, les rencontres de ton enfance ? Je suis né en …

Médecin Généraliste lève toi !

13 décembre 2011
par Didier Ménard
Je ne connais que trop l’exercice de la médecine générale pour savoir que ses contraintes sont grandes. Est-ce pour autant qu’elles doivent servir d’excuse pour accepter l’inacceptable et dire : « …

Services de santé au travail et conflits d’intérêts, par Marie Kayser, médecin généraliste, et Gérard Lucas, médecin du travail

2 mai 2009
par Marie Kayser, Gérard Lucas
L’insuffisance de prise en compte du facteur travail dans la santé est notoire. Les pratiques de médecine du travail, entravées par les gouvernances patronales, ne jouent plus leur rôle d’ « éviter …