Colloque Surmédicalisation, surdiagnostics et surtraitements
Faculté de Médecine de Bobigny
vendredi 27 et samedi 28 avril 2012
Le groupe Princeps (Michel Thomas, Omar Brixi, Elena Pasca, François Pesty et Jean-Claude Salomon)
Le Département de Médecine générale de la Faculté de Médecine de Bobigny
La Société de Formation Thérapeutique du Généraliste (SFTG), représentée par Alain SIARY
Prologue
La surmédicalisation est un thème de plus en plus évoqué comme une tendance préoccupante. Ses contours n’en restent pas moins imprécis.
D’un côté, on pointe une médicalisation abusive ou injustifiée, notamment de problèmes sociaux, sociétaux, psychologiques, éducatifs. Plus récemment, on met sur le compte de la santé, en arrière plan de la médecine, la crise du travail et de l’emploi. Les situations conflictuelles dans le milieu familial atterrissent souvent dans le cabinet médical. On affirme sans preuve que cela vient de tel ou tel facteur, que les causes sont identifiées et relèvent donc de la médecine.
D’un autre côté, on dénonce la surconsommation ou la prescription, sous-entendu abusive, de médicaments, d’actes chirurgicaux, d’examens de laboratoire ou radiologiques et d’arrêts de travail. Le consumérisme des patients ou le laxisme des médecins sont mis en cause.
Bref, un phénomène qui recouvre divers aspects en résonance avec d’autres cristallisations qu’il faut mieux cerner.
Avec beaucoup d’autres observateurs, on relie l’émergence de cette tendance à deux autres phénomènes : les surdiagnostics [1] et les surtraitements, dont on sait aujourd’hui qu’ils peuvent échapper à l’imprécision, qu’ils sont accessibles à l’analyse scientifique, qu’ils occupent une place croissante dans l’épidémiologie analytique et comparative, qu’ils entrent dans la catégorie des phénomènes mesurables.
Pour clore ce prologue, on ne peut pas et on ne doit pas aborder la surmédicalisation sans s’interroger sur l’existence simultanée de la sous-médicalisation [2] et sur une possible relation entre les deux processus, l’un et l’autre multifactoriels, susceptibles de relever de déterminants communs et probablement de relations dont il importe de comprendre la nature.
Notre groupe, composés de professionnels indépendants de tout lien avec le complexe médico-industriel et avec les institutions en tous genres, met en débat de tels constats, propose quelques hypothèses et arguments tirés de nos échanges, de la littérature scientifique, de nos expériences et de nos observations.
Nous sommes naturellement disposés à collaborer avec des partenaires très divers sur la base de relations équilibrées et transparentes.
Nous n’avons aucune prétention à défendre de manière univoque des idées ou des thèses, mais plutôt à contribuer, avec d’autres, à faire connaître les fruits d’analyses, de comparaisons et d’études existantes. Nous voulons aussi favoriser la rédaction d’un argumentaire utile à quiconque est attentif à ce type de phénomènes.
Nos travaux seront diffusés librement et gratuitement sur Internet.
A quelles questions tenterons-nous de répondre ?
Nous proposons que ce colloque aborde en même temps la surmédicalisation, les surdiagnostics et les surtraitements.
Ces trois phénomènes : surmédicalisation, surdiagnostics et surtraitements ont un impact sur le système de santé, mais il est mal connu. Observés dans tous les pays, ils préoccupent les responsables et appellent des correctifs. Du moins le pensons-nous.
La fréquence excessive des radiographies après des traumas crâniens, les indications trop nombreuses de césariennes par rapport aux indications justifiées et le dépistage systématique des cancers de la prostate chez tous les hommes de 50 à 75 ans sont des exemples bien documentés de ces dysfonctionnements. Il y en a bien d’autres et ils n’ont pas tous la même portée, ni les mêmes conséquences. Nous ne pourrons pas tout aborder. Aussi éviterons nous de nous intéresser aux faits les mieux admis, sauf peut être pour rappeler que certains d’entre eux furent longtemps ignorés ou niés, avant d’être admis au catalogue des savoirs établis.
Nous mentionnerons seulement les controverses actuelles, comme celle qui occupe une place croissante à propos du dépistage organisé du cancer du sein chez les femmes entre 50 et 75 ans. Dans la période de six mois, en France [3], ce sujet qui était passé sous silence depuis des années, est l’objet de trois réunions scientifiques promues par différentes organisations, dans des contextes très différents. Ceci nous impose de regarder les circonstances de ces rencontres, la nature des débats et des arguments avancés et les conclusions consensuelles ou contradictoires qui en résulteront. Cela nous semble plus intéressant que d’engager nos moyens très limités dans une controverse pour laquelle des collègues bien plus compétents produiront l’essentiel de l’argumentation. Nous voudrons là être plus témoins que contributeurs actifs.
C’est sur d’autres points du domaine médical que nous porterons collectivement notre attention.
Nous pensons que nous pourrions avec votre aide établir une liste non exhaustive des faits bien documentés concernant la surmédicalisation, les surdiagnostics et les surtraitements.
Une première étape est la sélection d’une série, pas nécessairement limitative, de questions pour faire naître les réponses, même partielles, qu’on peut y apporter.
Pourvu que la distinction soit bien faite entre les réponses intuitives, les opinions et les réponses plus méthodiques, mieux étayées sur des preuves, souvent elles-mêmes partielles.
Nous tenterons aussi d’apporter des réponses à des questions générales.
[1] Nous avons préféré écrire les trois mots sans tirets et mettre la surmédicalisation au singulier, mais utiliser le pluriel pour surdiagnostics et surtraitements.
[2] La sous-médicalisation a à voir avec le sous-développement, la pauvreté et les inégalités de santé, aussi sans doute avec d’autres facteurs géographiques et sociaux.
[3] Congrès de la Société Française de Sénologie à Marseille en novembre 2011 ; Réunion organisée par International Prevention Research Institute (IPRI) à Lyon en janvier 2012 ; Réunion organisée par La Revue Prescrire et Que Choisir Santé au printemps 2012.