C’est méconnaitre la réalité de la souffrance sociale, qui ne cesse d’augmenter dans ce pays dirigé par la Droite, que de croire que d’enfoncer encore plus la tête dans le bouillon de la misère d’une famille c’est l’aider à assumer ses responsabilités. Toutes les familles que je connais et qui affrontent ces difficultés ne font pas le choix délibéré du refus de l’école, mais souffrent plutôt d’un manque d’aide et de soutien. Elles intériorisent une honte sociale qui les pousse davantage à se taire et se cacher, que braver la loi pour manifester un quelconque refus de l’ordre établi ou revendiquer une culture différente qui expliquerait que la scolarisation soit secondaire à leurs yeux. Bien au contraire, il faut avoir été témoin de la fierté des parents dont les enfants réussissent leur parcours scolaire pour comprendre que l’école est, pour ces familles, un aboutissement et le meilleur moyen de sortir leurs enfants de la misère.
Mais parfois, la situation échappe complètement à ces familles qui cumulent les handicaps sociaux. On peut évidement discuter sur leur part de responsabilité dans la survenue de tels handicapes, et on trouvera toujours de quoi les accuser d’incompétence, mais si l’on doit commencer à recenser les incompétences, soyez honnêtes, messieurs les députés, il faut aussi décompter celles des institutions, ainsi que leurs insuffisances. Vous ne pouvez pas voter l’arrêt du versement des allocations familiales et en même temps amputer le budget de la protection judiciaire de la jeunesse. Ces familles ont besoin de l’aide des éducateurs, des travailleurs sociaux, car quand on vit du travail précaire, on a vite fait de basculer dans des tourments tels que la protection « familiale » des enfants devient aléatoire.
Vos discours bien pensants, sous couvert d’intentions charitables, conduisent à des actes ignobles, que nous ne pouvons accepter. Demain, quand une famille viendra me demander de justifier médicalement une absence scolaire parce que depuis plusieurs jours leur fille, leurs fils aura fait la bleue je rédigerai ce certificat et je continuerai, parallèlement, de travailler avec l’assistante du collège ou du lycée, avec l’éducateur, pour aider cette famille.
Je revendique le droit d’établir un certificat de solidarité pour une famille dans la difficulté : c’est là l’éthique de mon métier de médecin généraliste.