La façade ne tient plus - Une large partie de la population peut faire aujourd’hui le constat qu’il est de plus en plus difficile d’accéder à des soins psychiques. L’accueil, l’écoute, le soin des personnes en souffrance psychique restent ignorés par les pouvoirs publics, au-delà de la façade des paroles de bien des dirigeants du monde de la santé.
Les patients souffrent de la discontinuité de leur prise en charge et de sa déshumanisation galopante. Déjà, de trop nombreux adultes et enfants, ainsi que leurs proches, se trouvent abandonnés faute de places. Les signes manifestes de cette mauvaise pente envahissent aujourd’hui les pratiques : psychothérapie en 8 séances, surcroit de prescription de médicaments, inflation de la contention physique, montée en force des « techniques » (conditionnement, éducation et rééducation adaptatives, stimulations cérébrales,…). Les patients doivent se conformer aux protocoles standardisés, enjoints à bien « gérer » leur « capital santé mentale », ce qui produit de la culpabilisation.
Les professionnels, de plus en plus contraints par les outils numériques, sont amenés à devenir les « producteurs » de soins, dont le flux est soumis à une accélération et un turn-over imposé. Moins formés (1) et moins nombreux, ils vivent au quotidien la perte de sens de leur engagement, la souffrance au travail et connaissent une vague de démissions. Ce contexte favorisant les « intérimaires » déstabilise la continuité des soins, continuité par essence nécessaire à toute construction individuelle et tout soin adapté.
Le soin psychique dispensé par la psychiatrie, la pédopsychiatrie, la psychologie, le médico-social concerne aussi l’enseignement, le travail, le judiciaire, la protection des enfants, des adultes et des anciens. Il se révèle in fine une cause à défendre pour la société dans son entier.
Le champ des soins psychiques est spécifiquement humain. Il est fondé par la conception dynamique du psychisme, par le savoir bio-médical, mais aussi par l’anthropologie, la sociologie, la philosophie…. Or, depuis quatre décennies (2), il ne cesse d’être soumis à une déconstruction des savoirs et des savoir-faire au profit d’enjeux strictement économiques voire orientés vers la privatisation de la santé publique et du champ social.
Mais bien au-delà, ce sont tous les métiers en charge de l’humain qui sont touchés : éducation, culture, justice. Par conséquent c’est ensemble qu’il faut affronter cette tendance contemporaine latente qui réduit la personne et sa place dans la société, pour ensemble penser l’humain dans sa complexité.
Depuis 10 ans, le soin psychique s’est appauvri sous influence des lobbies porteurs des conceptions mécanistes du psychisme humain, soutenant des objectifs économiques hostiles à la temporalité des soins relationnels, institutionnels et à l’apport des conceptions psychanalytiques à la psychiatrie et au médico-social.
Des questions sécuritaires et juridiques participent à faire dériver la psychiatrie (contrainte et contention des patients, responsabilité pénale, croisement du fichier des patients sous contrainte et du fichier S) vers une punissabilité (3) accrue des patients et un renforcement des hôpitauxprisons (UHSA).
De son côté, le médico-social est progressivement vidé de sa substance pour se transformer en plateformes évaluatrices ciblées et discriminantes ou en équipes mobiles destinées à soutenir les enseignants censés désormais se charger des jeunes laissés sans soin. Les structures se transforment en dispositifs, des places d’internats et d’externats ferment… tout cela au nom d’une politique soi-disant inclusive cachant mal aujourd’hui ses objectifs économiques.
Mais des îlots de résistance et de créativité existent, portés par des patients et des soignants afin de poursuivre partout où c’est possible (public, privé, associatif, médico-social, en ambulatoire ou en établissements), des soins intégrant les dimensions bio-psycho-sociales de la personne. Un peu partout de nouvelles initiatives voient le jour et prolongent la dimension relationnelle du soin (clubs thérapeutiques, GEM, associations, etc.) tout en respectant la temporalité de chacun.
Les Assises citoyennes du soin psychique proposent, en écho à un mouvement de mobilisation plus large face à la déshumanisation générale du soin, un espace de réflexion, création et formation dans l’échange libre sur les expériences et les savoirs. Elles invitent le citoyen – soignant, patient, parent, enseignant, éducateur, magistrat, chercheur, administratif,… : à transmettre et relancer des pratiques de soins psychiques ; à aider à la transformation des approches réductrices qui appauvrissent nos champs d’action ; voire à accueillir l’émergence de nouvelles conceptions du soin. Ainsi le but est de contribuer à l’élan de refondation du soin psychique en psychiatrie et pédopsychiatrie, dans le médico-social, social, en pratique libérale, et dans la société en général à travers le dialogue citoyen et pluridisciplinaire. Les débats se tiendront en assemblée plénière et essentiellement en ateliers pour favoriser les échanges.
(1) Disparition du diplôme spécifique d’infirmier psychiatrique. Appauvrissement de la formation des psychiatres, des psychologues et des éducateurs.
(2) Tournant suite à la loi 1986 sur le Secteur, après laquelle la politique de secteur se voit détricotée par l’État.
(3) Tendance politique actuelle de populisme pénal : que soit puni tout malade mental ayant commis un crime même en cas d’irresponsabilité juridique. Ce qui accroitrait encore le nombre de patients en prison.
Argument, programme, et informations pratiques, à lire et/ou télécharger :
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