Ainsi donc, le tiers payant généralisé obligatoire serait un mauvais coup porté contre les médecins, aux dires de certains syndicats médicaux. Soyons clairs : le tiers payant n’est pas mis en œuvre pour faire plaisir aux médecins, mais pour faciliter l’accès aux soins des citoyens.
Toutes les études, mais surtout la pratique quotidienne de facilitation pour l’accès aux soins, montrent que cela ne déresponsabilise pas les malades. Vouloir sans cesse responsabiliser les malades est une posture idéologique de supériorité sociale, qui n’en est pour autant une vérité. Par contre, la levée de boucliers contre cette mesure déresponsabilise les médecins qui s’y opposent.
La pratique de la médecine libérale ne se réalise pas en des lieux isolés de la réalité du monde. Quand 20 à 25 % de la population renonce aux soins pour raisons financières, refuser le tiers payant généralisé devient choquant, pour ne pas dire indécent.
D’autant que cette critique contre le tiers payant n’a pas la même valeur quand elle s’adresse aux médecins généralistes et aux médecins spécialistes. Pour certains (à la CSMF), le tiers payant conduit « (à) ...déprécier les actes médicaux devenus virtuellement “gratuits” », mais quand il s’agit de « solvabiliser » un patient face à un acte onéreux pratiqué par un médecin spécialiste, il n’y a plus de dépréciation ! Deux poids, deux mesures. Soyons sérieux, le mythe de la reconnaissance de la compétence du médecin par le paiement direct de la main à la main est totalement dépassé.
On entend dire, chez certains syndicats médicaux libéraux, que le tiers payant est une étatisation de la médecine libérale. Il faut être, là aussi, cohérent Si le tiers payant est une étatisation de la médecine libérale, alors, que dire de la rémunération sur objectifs de santé publique ( ROSP ), quand c’est le financeur qui impose les objectifs ? Pourtant, ceux des syndicats qui poussent des cris d’orfraie contre l’étatisation ont tous embarqué les médecins dans cette soumission à l’État.
Le tiers payant généralisé est un progrès social, cette vérité ne doit pas être masquée par les difficultés de sa mise en œuvre . Là aussi, il y a la réalité, d’une part, et, d’autre part, le fantasme qui alimente l’idéologie. Que le système soit perfectible, c’est une évidence. La CNAM ( caisse nationale d’assurance maladie ) doit mettre en œuvre un système de gestion qui ne lèse ni le médecin ni le malade. C’est le respect qu’elle doit tout autant aux citoyens qu’aux médecins et là, c’est le rôle des syndicats de lui rappeler que si elle n’est pas capable de faire cela, alors, c’est la CNAM qui est coupable de « l’inaccès » aux soins.
S’il y a de l’énergie à dépenser, ce n’est pas de lutter contre cette mesure de justice sociale, mais bien de tenter de répondre à la question essentielle qui est de définir la place et le rôle de la médecine libérale dans le monde d’aujourd’hui.