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Le deuil

, par Séraphin Collé

Aujourd’hui je suis en deuil, Ma grand-mère vient de décéder à 90 ans. Épouse d’un grand commis de l’État, elle n’avait presque jamais travaillé. Venue vivre chez ma mère au décès de mon grand-père il y a deux ans, elle succombe après de longues semaines d’agonie. Atteinte d’une démence (…)

Vos commentaires

  • Le 17 juillet 2011 à 10h21, par Martine Lalande En réponse à : Le deuil

    Merci Séraphin, pour tes justes colères !

    Moi, je ne suis pas encore en deuil, mais très inquiète pour un patient d’à peu près mon âge, et que je connaîs bien (lui et sa femme pourraient être des copains, même âge, même mode de vie, mêmes idées, j’ai vu leurs enfants grandir, la plus jeune être enceinte alors qu’ils étaient inquiets de son absence de boulot, leur fils devenir postier, tomber amoureux puis rompre etc, la vie quoi...)

    Il est venu me voir un samedi matin, à 10heures j’étais déjà surmenée, la salle d’attente était pleine je lui ai dit que je n’aurais pas le temps de le voir avant au moins une heure, alors il faisait mine de repartir en disant gentiment "tant pis, c’est pas grave". Comme je lui demandais quand même, dans le couloir, ce qui se passait, sa femme me dit : "il a eu mal dans la poitrine en courant ce matin". Alors j’ai eu le réflexe, j’ai rétorqué : "Ne reste pas, va vite à l’hôpital, il faut faire tous les examens pour éliminer une cause cardiaque". On a discuté de quel hôpital, ils ont décidé d’aller près de chez eux, un hosto qui a bonne réputation. Puis je l’ai oublié, j’ai continué ma consultation surchargée...

    Le lendemain, quand même inquiète, j’ai appelé l’hôpital en question, les internes des urgences qui finisaient leur garde m’ont dit qu’ils avaient eu beaucoup de monde, qu’ils lui avaient fait une troponine et un ECG, que c’était normal, que c’était sûrement digestif, mais qu’il ferait un ECG d’effort ensuite.

    Je me souviens avoir pensé "UNE troponine ?"...sans aller plus loin.

    J’ai cherché son téléphone sur les pages blanches, je ne l’ai pas trouvé, il avait quitté france telecom pour un autre opérateur, j’ai remis au lendemain, c’était dimanche.

    Lundi après-midi, une cardiologue que je ne connaîs pas m’a appelée et raconté la suite : il a souffert toute la nuit et la journée de dimanche, il a appelé SOS médecins qui a donné du codoliprane et dit que comme à l’hôpital les examens étaient norpmaux, c’était sûrement digestif ou musculaire...Sa femme a appelé la cardiologue le lundi matin et insisté en racontant l’histoire. La cardiologue l’a reçu rapidement : il faisait un infarctus massif, elle l’a hospitalisé en unité de soins intensifs dans un autre hôpital proche de chez lui (on est en région parisienne).

    Cela fait 15 jours. Il avait une thrombose de l’interventriculaire antérieure, une nécrose étendue du ventricule gauche avec un thrombus à l’intérieur, menaçant de se détacher...

    Depuis, il a fait une péricardite (complication de l’infarctus), un AVC avec une aphasie et une hémiplégie qui n’ont duré heureusement qu’une heure, d’autres caillots sont allés dans le rein et la rate, sans dommage non plus, le gros caillot s’est résorbé, mais il a pris 6kg d’oedème, avec un épanchement pleural, il a une insuffisance rénale à cause de tous les médicaments (IEC pour le coeur, aspirine pour la péricardite...)

    Pour le moment, ils contrôlent la situation avec des diurétiques, des tonicardiaques, anticoagulants...mais il a une insuffisance cardiaque majeure et on ne sait pas encore s’il s’en sortira.

    Dans l’hôpital où il est, la prise en charge est parfaite, ils me répondent très préciseménet quand je téléphone (tous les deux jours même en vacances...), à chaque évènement on discute avec ses médecins des hypothèses et des possibilités thérapeutiques.

    Lui, je l’ai vu une fois à l’hôpital, il garde le moral, on ne sait pas comment, mais il dit qu’il se sent comme un petit vieux dès qu’il se lève, et il comprend bien la situation.

    Sa femme n’a pas le moral, elle essaie d’y croire mais sent bien que c’est très précaire...

    Je suis très inquiète mais surtout JE SUIS EN COLERE :

    -  contre moi-même qui n’ai pas eu le temps de lui faire une lettre EXIGEANT qu’on le garde en surveillance à l’hôpital

    -  contre l’hôpital où il a été reçu, où les internes sont trop surchargés et mal encadrés, alors qu’il aurait dû voir un cardiologue

    -  contre moi-même le lendemain quand je ne suis pas allé au bout de mon intuition : "pourquoi une seule troponine ?"

    -  contre les opérateurs de téléphones qui ne laissent pas les numéros dans l’annuaire...

    -  contre le médecin SOS qui n’a pas eu de réflexes, et pas su remettre en cause un diagnostic posé légèrement par l’hôpital...

    -  contre ce système, où l’on dispose de la technique la plus sophistiquée, mais on n’arrive plus à faire les diagnostics indispensables parce qu’on est la tête dans le guidon, insuffisamment encadrés aux endroits stratégiques, surchargés de demandes de soins à ne plus arriver à réfléchir, et où un seul paramètre (le dimanche, ou pas de numéro de téléphone dans l’annuaire...) nous empêche de pouvoir aller jusqu’au bout d’une bonne intuition...

    On dira que c’est pas de chance, mais je suis sûre qu’on peut et doit aussi en tirer des leçons sur notre système d’organisation d’offre de soins, la place des jeunes à des endroits stratégiques, notre manque de moyens à notre place de médecin traitant...

    Merci Séraphin, de tes justes colères, qui rejoignent les miennes...avant le deuil !

  • Le 7 novembre 2014 à 09h10, par AMP En réponse à : Le deuil

    que c’est vrai, ce que vous dites, tous les deux... En particulier la juste intuition qui sombre derrière l’océan des soins.
    oui, tous ces liens, ces aller et retour qui se noient jusqu’au deuil.. Merci de dire cela qui est vrai. AMP

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