Le Collectif national pour les Droits des Femmes vient de prendre connaissance de la loi contre les violences faites aux femmes adoptées en première lecture par le Sénat le vendredi 24 juin.
Comme il le craignait, il constate plusieurs points de régression par rapport à l’Assemblée :
- l’ordonnance de protection ne peut plus être demandée par une association avec l’accord de la victime mais par le Procureur de la République.
- l’ordonnance de protection n’ « atteste »plus « des violences subies par la partie demanderesse » et sa force en est donc amoindrie
- la définition de l’autorité parentale et de l’intérêt de l’enfant sont supprimés
- tout ce qui concerne le droit de visite et d’hébergement des enfants dans le cadre de violences conjugales quand les parents sont séparés est atténué avec sous jaçent le principe « un mari violent peut être un bon père »
- le fait de pouvoir saisir le juge pour « statuer sur le refus de consentement de l’autre parent à l’accomplissement de soins médico-psychologiques concernant la personne de l’enfant » est supprimé
- la médiation pénale dans le cadre de violences conjugales ne peut avoir lieu si la victime a saisi le juge pour bénéficier d’une ordonnance de protection. Sinon, elle peut avoir lieu.... Ceci aboutira au fait que des femmes ayant déposé plainte mais sans ordonnance de protection pourront avoir de la médiation pénale.
Dans l’article sur les violences psychologiques, l’Assemblée disait : « le fait de soumettre son conjoint (…) à des agissements ou des paroles répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie susceptible d’entrainer une altération de sa santé physique ou mentale (…..) », le Sénat dit : « le fait de harceler son conjoint (…) par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale(...) »
Au Sénat, le mot parole disparaît , ce qui vide l’article d’une partie de son contenu et l’altération de la santé physique ou mentale doit être effective. L’Assemblée avait une vision encore préventive que n’a pas le Sénat.
La loi instaure le mariage forcé comme circonstance aggravante des violences. Un des articles provenant de l’Assemblée stipulait qu’en cas de « violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours »(art 222-11 du Code pénal) pour contraindre une personne à un mariage, la contrainte exercée pouvait être « physique ou psychologique ». Cette précision est supprimée.
L’article concernant le rapatriement après un mariage forcé à l’étranger par les autorités consulaires est amoindri. Il ne se fait plus « dans les plus brefs délais » et ne concerne, pour les personnes étrangères « résidant habituellement sur le territoire français » que celles qui ont des papiers.
Enfin, tout ce qui concernait le harcèlement sexuel au travail est supprimé au profit d’un nouvel article prévoyant l’affichage et la diffusion des peines qu’ont pris les harceleurs.
En France, le harcèlement sera donc encore : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » article 222-33 du Code pénal.
Le titre même de la loi change : de la loi « renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes », il devient « relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ».
Demi-mesure pour nous faire croire que les hommes battus sont légions !!!!
La loi va maintenant retourner à l’Assemblée qui est placée devant un dilemme. Soit elle vote cette loi conformément au Sénat, soit elle rétablit le texte antérieur. Celui-ci marquait une véritable volonté politique de lutter contre les violences faites aux femmes ce que l’on ne sent pas dans le texte du Sénat qui, malgré le combat de plusieurs sénatrices et sénateurs des groupes communiste et socialiste, que nous saluons, reste soupçonneux à l’encontre des femmes victimes et nous projette dix ans en arrière dans sa tonalité générale.
Si le texte sort amendé de l’Assemblée, il retournera au Sénat qui l’amendera de nouveau. Et puis ? Et puis rien, il risque d’être enterré. Il n’y aura pas de commission mixte paritaire puisque c’est une proposition de loi et non un projet émanant du gouvernement. Nous touchons du doigt ici la véritable absence de volonté politique du gouvernement de lutter contre les violences faites aux femmes. Proclamer l’année 2010 « Grande cause nationale contre les violences » ne suffit pas ! Il faut des actes forts !