J’ai toujours du mal à comprendre comment, à un moment donné, des décisions abjectes, stupides, irresponsables, peuvent être prises. Comment se fait-il que des interrogations éthiques, politiques, décentes, ne viennent pas faire réfléchir et conduire à mettre aux oubliettes ces décisions malheureuses.
Il en va ainsi pour cette proposition qui voudrait priver de remboursement de soins les personnes souffrant d’apnées du sommeil qui n’utiliseraient pas de manière satisfaisante l’appareillage nocturne de ventilation positive qui leur permet de faire moins de telles apnées, lesquelles sont délétères pour la fonction cardiaque.
La technologie moderne permettant de surveiller, en temps réel ou à posteriori, l’utilisation de l’appareillage, si le protocole est mal suivi le patient n’est plus remboursé.
Certains, suivant le raisonnement de l’Assurance maladie qui veut responsabiliser le patient, pensent que cela est juste de procéder de la sorte : après tout, disent ils, « si je ne fais pas ramoner ma cheminée, mon assurance ne me couvre pas en cas d’incendie » donc, il est normal que l’Assurance maladie agisse de la même manière. On ne s’arrêtera pas sur la comparaison entre la maladie et la cheminée, mais on rappellera que l’Assurance maladie n’est pas l’assurance habitation. Ne pas comprendre où se situent les niveaux respectifs des responsabilités individuelles et des responsabilités collectives c’est ne pas comprendre comment fonctionne la société. Est-on toujours complètement responsable de sa maladie ? Est-on toujours capable de suivre un traitement ?
Le Conseil d’Etat vient de suspendre cette décision de l’Assurance maladie : heureusement qu’il subsiste ce garde fou démocratique.
Tout d’abord, le contrôle de sa vie, notamment de son sommeil, sans son consentement, par un organisme d’assurance est une atteinte flagrante à la liberté individuelle. L’Assurance maladie va-t-elle, pour imposer sa volonté de responsabiliser le malade, mettre en place des caméras chez les malades chroniques ? La liberté de ne pas suivre à la lettre une thérapeutique reste encore une liberté individuelle. La pénalisation financière des malades (surtout les plus vulnérables) n’a pas de vertu pédagogique. La volonté de l’Assurance maladie de gérer la vie des malades, celle d’imposer ses normes de comportement, sont les ingrédients d’un Etat totalitaire.
Ensuite, ne pas comprendre que la maladie ne définit pas la personne, est pour le moins irresponsable. Réduire la personne à sa maladie est un contre-sens fréquemment commis par l’Assurance maladie, qui oublie que la vie est complexe, que l’on ne fait pas toujours ce que l’on veut, pour le traitement comme pour le reste.
Alors, pénétrer dans l’intimité de la vie des malades pour imposer un traitement, sous prétexte de faire des économies, est abject. Quant à la justification par les économies, que l’Assurance maladie commence par balayer devant sa porte : qu’elle fasse cesser immédiatement le scandale de l’utilisation du médicament Lucentis® à la place de l’Avastin®, vingt fois moins cher ( consulter le moteur de recherche de ce site), ou arrête de jeter par la fenêtre des millions d’euros pour le dossier médical personnel, ou mette fin au remboursement de tous les traitements inutiles.
Mais il est toujours plus facile de s’en prendre aux plus faibles, c’est à dire au malade, que de s’attaquer aux responsables des pathologies de l’environnement : le courage n’est pas une vertu assurantielle.