Rituellement, chaque année, la Cour des Comptes analyse les comptes de l’Assurance maladie. Elle les commente, indiquant où logent les gisements d’économies et, comme chaque année, les journalistes de la télé en répètent servilement les propos.
Il faut d’abord réaffirmer avec force que le déficit de l’Assurance maladie est davantage dû à la diminution des recettes – du fait des choix politiques faits en matière d’exonérations de prélèvements obligatoires –, qu’à l’augmentation des dépenses.
Ensuite, ce qui est affligeant, une fois de plus, c’est que la Cour analyse des lignes de dépenses sans considérer le contexte et le fondement de ces mêmes dépenses. Ce faisant, elle travestit la réalité. Par exemple, la ligne budgétaire des prescriptions d’examens biologiques augmente : il y a donc abus (raisonnement simpliste !) et par conséquent, c’est un gisement d’économies... La Cour ignore que, grâce à la médecine, on ne meurt plus aujourd’hui des maladies organiques comme le diabète, l’hypertension artérielle, les dysfonctions endocriniennes. Que ces maladies sont devenues chroniques et de longue durée. Que, par conséquent, les patients les cumulent souvent, et qu’il n’y a plus besoin de les soigner à l’hôpital. De ce fait, c’est la médecine de ville qui les accompagne sur leurs itinéraires de vie, cherchant à leur éviter les complications liées aux dites maladies qui, elles, sont très onéreuses. Et pour ce faire, cette médecine utilise les examens biologiques incriminés, afin d’agir vite et bien, et ainsi éviter les hospitalisations. Mais la Cour des Comptes ne compte pas, ne mesure pas le coût des hospitalisations ainsi évitées et fait de la médecine de ville le bouc émissaire de l’allongement de la vie…
On pourrait multiplier les exemples : les transports médicaux augmentent trop ! Raisonnement encore une fois simpliste. Qui a fermé les hôpitaux et maternités de proximité si ce ne sont les pouvoirs publics ? Désormais, pour avoir accès à un médecin spécialiste, installé maintenant au cœur des villes, faudrait-il que tous les malades disposent d’une voiture et, quand ils n’en ont pas, qu’ils attendent le car qui passe deux fois la semaine ? Tout le monde ne vit pas au cœur des villes. Dans ces conditions, comment s’étonner de voir le coût des transports médicaux augmenter ? De qui se moque-t-on ?
L’exercice de la Cour des Comptes ambitionne d’indiquer au gouvernement comment faire des économies. Mais on sait comment les faire, ces économies ! Il suffit d’organiser le parcours de santé des personnes malades, d’organiser l’offre de santé sur le territoire par le développement de l’exercice collectif, par le décloisonnement entre la ville et l’hôpital, entre les soins du premier recours et la médecine spécialisée, entre le médical et le social. Ces modes d’organisation et de fonctionnement ont déjà été testés avec succès dans le cadre d’expérimentations. Reste à en faire un système public de santé territoriale. Il y faut du courage politique. Mais la Cour des Comptes ne sait pas mesurer le courage politique.