La commission Leonetti vient de rendre sa copie et ses propositions ne sont pas à la hauteur des attentes. C’est le statu quo ou presque, agrémenté de petites réformes pour donner l’illusion du changement et éviter d’aborder l’essentiel. Mais pouvait-il en être autrement avec un président de commission, fort diplomate, mais, depuis le début, officiellement opposé à toute législation sur l’euthanasie, entouré d’un bureau très majoritairement opposé au changement, avec des personnes auditionnées, également bien sélectionnées ? Lors de la première commission, à l’origine de la loi de 2005, ils étaient 70 sur 81 à donner un avis conforme à ce que le bureau souhaitait entendre.
une même présidence, une même équipe, et les mêmes pratiques, il aurait été surprenant d’obtenir un résultat différent. Cette fois-ci, il y a eu quelques progrès pour la forme : la commission a reçu pour la première fois Mme Humbert et s’est déplacée en Belgique et en Hollande, pays qui ont légalisé l’euthanasie. Mais elle est restée inflexible, insensible à l’opinion des Belges qui ne souhaitent pas remettre en question leur loi. Quant aux soignants signataires du manifeste de 2007 en faveur d’une libéralisation de l’euthanasie, ils n’ont pas été auditionnés. Trop proches du terrain, sans doute !
Après tant de mois à avoir écouté ce qu’elle souhaitait entendre, quelles sont les principales propositions de la commission ? L’une fera aisément l’unanimité : un congé de quinze jours pour accompagner un parent en fin de vie. Qui voterait contre ? Mais attention la réforme est prévue à titre expérimental, dans un département. Faut-il vraiment une longue expérience pour légiférer sur une telle mesure ? Reste à la financer, et en période de crise économique, on peut douter de l’accueil bienveillant des chefs d’entreprise.
La commission propose un Observatoire des pratiques médicales de la fin de vie. Une idée intéressante mais qui restera sans effet tant que la loi en vigueur, floue et punitive, favorisera la pratique des euthanasies clandestines. Comment recenser ce qui est clandestin ?
La création dans chaque département d’un poste de médecin référent, spécialisé en soins palliatifs, peut apparaître comme une mesure anodine. Elle n’est pas sans risque puisque nombre de représentants des soins palliatifs sont de farouches opposants à l’évolution de la loi. N’est-ce pas là une façon de cadrer les pratiques médicales pour les orienter dans une certaine direction et de mettre en place des gardiens de l’immobilisme ?
Reste l’incitation à recourir à la sédation terminale qui permet, dit-on, d’endormir progressivement et en douceur un patient. Heureusement l’extrême majorité des médecins confrontés à ce problème n’a pas attendu cette recommandation pour mettre sous sédatifs leurs malades en phase terminale. Mais, à force d’imprécisions, on favorise la multiplication de situations radicalement opposées. Ainsi, un médecin qui décide, après concertation de l’équipe et de la famille, d’augmenter les doses de sédatifs pour aider un malade en phase terminale à mourir sans souffrance, pratique un acte d’euthanasie selon la définition même du mot. Alors autant le reconnaître et en préciser les conditions pour éviter les dérives de la clandestinité.
Mais selon le même texte, un autre médecin peut se contenter d’une sédation minimale pour simplement « endormir » et « laisser mourir ». L’agonie peut alors se prolonger pendant des jours et des jours, voir plusieurs semaines, imposant au patient un état comateux dont on connaît mal le ressenti réel et, à la famille, les souffrances de l’attente. Et si ce n’est pas suffisant, des membres de la première commission ont proposé, en accord avec des représentants des soins palliatifs, de cesser toute alimentation et toute hydratation au malade. Une pratique barbare, une absurdité médicale et humaine que la loi Leonetti indirectement encourage. Après avoir dénoncé, à juste titre l’acharnement des soins curatifs, la loi apporte son soutien à un acharnement palliatif.
Ceux qui sont favorables à une telle attitude, qui acceptent le principe du « laisser mourir » avec dénutrition et déshydratation, même sous sédatifs, (membres de la commission, députés ou autres…) devraient l’inscrire dans leur testament de fin de vie. Leur volonté sera respectée à la lettre mais qu’ils ne l’imposent pas à ceux qui souhaitent un départ plus humain et plus rapide.
Quant aux médicaments cités pour la sédation en phase terminale, certains, tels les produits anesthésiques, ne sont pas, en pratique courante, à la disposition de l’ensemble des médecins.
Le seront-ils ? Hypocritement la loi reste muette.
Enfin et surtout, ce texte néglige totalement la liberté du citoyen, son droit de choisir.
Elle maintient l’obligation pour les patients d’accepter les décisions d’un médecin, souvent inconnu, qui agira selon sa philosophie personnelle. Rappelons que « le testament de vie » (directives anticipées) dont on vante le mérite n’est que consultatif et non décisionnel.
Lors de la prochaine affaire qui ne manquera pas d’éclater, on accusera de nouveau les médecins d’ignorer la loi ou de mal l’appliquer car il faut toujours un bouc émissaire. L’expérience prouve que, pour être efficace, une loi doit être claire et répondre à l’attente des citoyens. Quand la loi de 2002 sur l’obligation de soulager la douleur a été promulguée, la France est passée en quatre ans du trente-sixième au quatrième rang sur le plan international pour la prise en charge de la douleur.
Le nouveau texte sur la fin de vie qui sera prochainement proposé aux députés, risque d’être, comme le précédent, assez flou, mou et ambigu pour obtenir une nouvelle fois l’unanimité.
Mais en gommant les différences profondes, peut-on faire avancer la société ?
Un vote unanime sur un tel sujet est-il une preuve de démocratie, une preuve de courage ?
Nos voisins belges et hollandais ont su intelligemment légiférer et ne sont pas tombés dans la barbarie annoncée. Ce nouveau texte restera sans conséquence, car il ne répond ni aux attentes de la population ni à celles des médecins.