Euthanasie : Anne Perraut Soliveres répond à Emmanuelle Frayssac : la liberté de disposer de soi.

Merci de prendre part à cette tentative de penser l’impensable. Je veux juste réajuster mon propos car je n’ai pas voulu dire ce que tu as compris. Moi non plus ne veux pas d’une loi qui me dirait ce qu’il est bon de faire ou de ne pas faire et qui, comme tu le soulignes justement, ne verrait pas de distinction entre deux réalités comparables.

C’est précisément parce que ces réalités, comparables vues de l’extérieur, sont infiniment singulières que j’appelle à un dispositif qui pourrait permettre à quelqu’un dont l’état pathologique est arrivé à un point de non retour et dont la qualité de vie est devenue incompatible avec ses propres valeurs, de pouvoir faire appel à des personnes extérieures à son cercle habituel qui pourraient l’aider à prendre une décision. Il y a à mon sens beaucoup plus de violence à faire durer une situation insupportable pour la personne malade en cessant de l’alimenter comme le prévoit la loi dite Léonetti qu’en l’aidant à mourir lorsqu’elle le souhaite.

Pour éviter ces situations où le soignant ou les proches sont seuls confrontés à une demande répétée du malade d’en finir, l’idée qu’une loi pourrait encadrer (pour en limiter les risques de dérive) ces situations extrêmes et organiser la possibilité de faire appel à des professionnels de la santé, de la loi, de la philosophie etc... intéressés à ces questions et suffisamment expérimentés, continue à me paraître préférable au vide actuel et à l’arbitraire d’un ou plusieurs soignants ou proches qui ne supportent plus la situation.

A aucun moment il ne s’agit d’édicter des normes encadrant ce moment ultime d’une vie impossible à vivre. Par ailleurs, c’est en voyant s’évanouir nos valeurs dans un embrouillamini budgétaire qui limite de plus en plus l’accès aux soins de certains et l’hypocrisie, non pas de la loi mais de certains professionnels soignants ou politiques, que j’aimerais qu’on envisage cet encadrement avant qu’il ne soit trop tard, c’est à dire que ce soit la ligne budgétaire qui soit décisionnaire. C’est là où je rejoins Jacques mais que nous ne voyons pas la même solution à nos mêmes craintes.

Lorsque je dis parler de ma place, ce n’est surtout pas en tant que soignante, par empathie, ni pour me mettre à la place de l’autre, ce qui me mettrait dans l’illusion de voir comme lui. Je parle pour moi, dans l’hypothèse de ma propre souffrance ou dégradation physique ou mentale, en fonction de mes propres valeurs, aujourd’hui où je me pense capable de décider pour moi.

Cette ultime liberté de disposer de moi-même, je ne reconnais à personne le droit de la limiter encore moins de me la prescrire. Je ne suis pas une fanatique de l’euthanasie et j’ai vu davantage de gens qui s’accrochent à une vie très difficile que le contraire. Pour autant, durant les quarante ans où j’ai fréquenté, à l’hôpital, des pathologies lourdes, voire très lourdes et le plus souvent mortelles, j’ai plutôt appris à respecter la moindre étincelle du désir de vie, l’encourager, voire la susciter lorsque possible que l’inverse. Il est probable que mon éducation influe fortement de ce côté et mon propre rapport à la vie me porte plutôt à l’optimisme mais je n’en suis pas pour autant sourde à d’autres rapports à la vie.

Alors au nom de quoi demander le droit de mourir ? Rien moins qu’au nom de la liberté de disposer de soi. Pas simple pour ceux qui accompagnent, heureusement.

Françoise Ducos-Besson : l’interdiction totale ne convient pas toujours.

Très concrètement se posent encore et toujours les conditions de vie de la personne qui a franchi un seuil important dans la souffrance et les raisons acceptables qui peuvent pousser un soignant à arrêter la vie en général à la demande du sujet souffrant.

L’évaluation de l’indignité de cette souffrance est liée à une expérience personnelle, professionnelle et sensible ; il est bien difficile de la réduire à une opinion favorable ou non. Il n’en reste pas moins que sans l’autoriser, le législateur peut émettre un avis sur ce cas exceptionnel dans lequel un médecin mais aussi un proche (complicité d’homicide) a entendu, relayé et obtenu une aide au mourir d’une personne aimée par le proche et respectée par le soignant jusqu’au bout.

Le cadre juridique de l’interdiction totale par crainte d’eugénisme ne convient pas à un certains nombres de cas.

vendredi 9 janvier 2009

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