Clause de conscience : recul de l’Ordre des pharmaciens

L’Ordre des pharmaciens vient de reculer devant le tollé suscité par son intention d’introduire une clause de conscience dans le Code de déontologie des pharmaciens [1]

Il a publié le 6 septembre un communiqué de presse [2] à l’issue de la réunion de son Conseil national : « L’article relatif à l’introduction d’une possible clause de conscience, dont la consultation avait été suspendue pendant l’été 2016, n’a pas été retenu et ne figure donc pas dans le projet ».

La mobilisation professionnelle et citoyenne a donc permis la suppression de cette clause qui mettait en danger l’accès des patients aux traitements : les contraceptifs étaient particulièrement visés, mais aussi les médicaments d’accompagnement de la fin de vie.

Cette affaire montre une fois de plus le rôle important dévolu à un Ordre professionnel et le caractère néfaste de celui-ci. À quand la suppression des Ordres professionnels ?

Rappel des faits
Dans le cadre de la refonte du code de déontologie de la profession, le bureau du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) a appelé début 2016 les 75 000 pharmaciens à se prononcer sur le projet d’article suivant (art. 4235-18) : « Sans préjudice du droit des patients à l’accès ou à la continuité des soins, le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine. Il doit alors informer le patient et tout mettre en œuvre pour s’assurer que celui-ci sera pris en charge sans délai par un autre pharmacien. Si tel n’est pas le cas, le pharmacien est tenu d’accomplir l’acte pharmaceutique  ».

Ce sondage a soulevé de nombreuses protestations citoyennes et associatives ainsi que celle de la ministre « des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes ». Elles ont été centrées sur la remise en cause de l’accès à la contraception et à l’IVG que cette clause risquait d’entraîner.

Un collectif de pharmaciens a lancé une pétition refusant l’instauration d’une clause de conscience et rappelant que « le devoir des pharmaciens, c’est d’aider les patients et non d’entraver leurs droits ou de leur compliquer l’accès à un traitement »

Ils argumentent ainsi : « Dans le Code de déontologie en vigueur, les pharmaciens peuvent déjà refuser de délivrer un traitement dans l’intérêt de la santé du patient. Alors pourquoi inscrire cette clause de conscience dans le nouveau Code si ce n’est pour satisfaire les pharmaciens les plus réactionnaires, qui souhaitent avoir le droit de ne pas délivrer certains médicaments par convictions personnelles ? Comme ceux qui refusent déjà de vendre des préservatifs, de délivrer la pilule, le stérilet ou encore la contraception d’urgence… De même que ceux qui refusent de délivrer des hormones aux personnes transgenres, des médicaments aux toxicomanes ou des traitements contre le VIH… La clause de conscience a déjà démontré qu’elle était une perte de chance pour le patient ».

Cette pétition a rapidement réuni plus de 10 000 signatures.

Devant ce tollé, la présidente du CNOP s’est défendue [3] en disant que les pharmaciens étaient une de rares professions de santé sans clause de conscience, que « sur les quelques 3 000 pharmaciens ayant répondu… 85 % voulaient une clause de conscience », et en ajoutant que cette clause n’était « pas du tout liée à la contraception mais à la fin de vie, question qui fait énormément débat dans la profession ».

Cette réponse est vraiment inquiétante quant aux risques de refus de délivrance par les pharmaciens des traitements de sédation en fin de vie. L’Ordre des médecins avait d’ailleurs, avant de changer d’avis, pris position en faveur de l’inscription dans la loi sur la fin de vie d’une clause de conscience spécifique [4].

Le CNOP, devant la mobilisation contre l’introduction de cette clause, a décidé pendant l’été de suspendre sa consultation, et indiqué dans un communiqué que son « bureau demandera au Conseil national, réuni le 6 septembre prochain, de ne pas maintenir en l’état le projet de clause de conscience ».

Au cours de sa réunion du 6 septembre, il vient donc de décider de supprimer l’introduction d’une clause de conscience dans le code de déontologie.

Le projet d’article R.4235-18 est le suivant : « Le pharmacien doit toujours agir dans l’intérêt des personnes et de la santé publique. Il doit exercer sa profession dans le respect de la vie et de la personne humaine. Le respect dû à la personne continue de s’imposer après la mort.
Il doit faire preuve du même dévouement envers toutes les personnes qui ont recours à son art ».

Il reprend pour partie l’article 4235-2 de l’ancien code qui stipulait : « Le pharmacien exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine ».

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dimanche 11 septembre 2016, par Marie Kayser


[1Le Code de déontologie de chaque profession de santé est élaboré par l’Ordre de la profession, mais doit être soumis, pour étude, à la Ministre chargée de la santé qui décide, après consultation du Conseil d’État, de publier ou non le décret validant ce code. Il est ensuite inséré dans la partie réglementaire du code de la santé publique.

[3Libération du 20 juillet, Le Monde 20 et 21 juillet 2016.

[4Le Code de déontologie des médecins comporte (art 47) une clause de conscience permettant au médecin hors cas d’urgence de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. Il doit toutefois assurer la continuité des soins aux malades. La clause de conscience est aussi inscrite dans le code de santé publique pour trois situations spécifiques : le refus de stérilisation, l’interruption volontaire de grossesse, la recherche sur l’embryon.

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