Brevets ou « trouvailles » ?

Natalia Calderón Beltrán,
Étudiante en histoire et en sciences politiques

En tant que nounou par intermittence et historienne en herbe, j’ai découvert que je faisais un travail invisible. Pour moi, laver le nez d’un enfant est très simple : je fais tomber une petite goutte sur la joue, puis sur le front, puis une autre sur la bouche, deux ou trois dans la narine, puis une autre sur le front et ainsi de suite pour réussir à laver le nez d’un tout-petit.
Une amie médecin m’a incitée à raconter ce geste quotidien parce que cela ne brutalisait pas l’enfant. Tenir un enfant bloqué entre les jambes pour réussir à injecter du sérum physiologique dans ses narines ne me semblait pas humain. C’est pourquoi j’ai cherché à le faire sans violence, en attirant son attention sur d’autres parties de son visage, pour que cela passe aussi inaperçu pour lui que pour moi.
Après avoir gardé plusieurs enfants, je vois que l’implication n’apparaît pas par génération spontanée. Elle naît d’une relation de confiance avec les parents, où la nounou est une vraie partenaire de l’éducation et pas une simple exécutante des consignes des parents. Par exemple, pour les filles que j’ai le plus longtemps gardées, les mercredis, je choisissais toutes sortes de musées ou d’autres activités qui me plaisaient et dans lesquelles je pouvais leur faire partager mes goûts. Plusieurs années après, nous gardons contact et c’est un vrai plaisir de nous retrouver.
Bien sûr, il est toujours possible de réduire une nounou à une « prestataire de services » qui est responsable de l’enfant pendant quelques heures par jour et évite qu’il ait des accidents. Mais les enfants voient très vite quand une nounou est considérée comme une employée qui comble les créneaux où les parents ne peuvent pas être présents. Dans ces cas-là, même avec de la bonne volonté, il n’y a pas besoin de faire appel à la créativité, et il s’agit juste d’être « responsable » et « professionnelle ».
L’investissement dans l’éducation et le bien-être de l’enfant ne peut venir que de la voix et la place qu’a la nounou au sein de la famille, et tout d’abord de sa relation avec les parents.
Malheureusement, pour les laboratoires, ce genre de trouvaille ne risque pas d’être breveté, car on ne peut pas tirer d’autre profit que le bien-être de l’enfant.


par Natalia Calderón Beltrán, Pratiques N°52, janvier 2011

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