Pratiques N°94 La santé dans le monde d’après...

Le mot santé est dans toutes les bouches, mais plutôt pour désigner le système de soin dédié à la maladie. Or, les critères de la santé sont définis et pensés par la médecine comme injonctions comportementales, voire comme normes alimentaires, corporelles, gestuelles. Il ne s’agit pas ici de lister les nombreux « manquements » à ces normes qui peuvent bousculer l’idéal chiffré qui borne les constantes physiologiques. Si ces éléments objectifs peuvent contribuer à un certain équilibre de la personne, ils ne définissent pas l’idée de « santé » dynamique que nous souhaitons explorer et révolutionner sans pour autant la mettre en cage.
Se préoccuper de la santé serait-il révolutionnaire ? Pour nos auteurs, cultiver la santé passe par un combat sans merci contre la souffrance sous toutes ses formes. C’est la souffrance qui porte atteinte à notre santé, individuellement comme collectivement, de la naissance à la mort. C’est donc en la repérant, en la pensant et en l’affrontant que nous pourrons nous en préoccuper pour la réduire, autant que faire se pourra, voire l’effacer, quand elle est évitable. C’est le premier acte de prévention qui devrait constituer le socle de la société afin de donner enfin à ce terme le sens et les promesses qu’il mérite.
Comment appréhender « la santé » tout en préservant ou retrouvant nos libertés d’être et d’agir, largement amputées par les directives adoptées pour faire face à la pandémie ?
La première mesure doit consister en une sortie immédiate et réelle de la santé du marché où elle n’a jamais eu sa place.
Il faut remettre, en urgence, l’intelligence au pouvoir, mais pas n’importe laquelle… Celle qui se déploie pour le bien commun, pour permettre à toute personne, même la plus démunie, de trouver sa place d’être humain digne, se souciant de son avenir dans une société vivable, débarrassée des contraintes excessives, voire abusives, du travail.
Nous devons travailler à rétablir des valeurs qui stimulent l’honnêteté intellectuelle et valorisent le courage d’agir pour le bien public sans s’oublier… Cela nécessite de combattre l’assignation réductrice de chacun à un rôle, une classe, une fonction.
Revaloriser l’engagement, la compétence, l’expérience, afin de permettre à chacun de retrouver l’estime de soi et la créativité sans lesquelles la santé ne peut se maintenir.
Le premier confinement nous a montré que lorsqu’on lâche la bride aux soignants (et non seulement à eux), ils sont capables de se mobiliser, de réinventer leurs pratiques pour les adapter en cas d’événement extraordinaire.
Les pires manquements face à la crise se sont révélés du côté du pouvoir et de son exécutif qui se sont contentés d’ajouter des contraintes aux contraintes. Il est donc légitime aujourd’hui d’exiger la mise en place de dispositifs collectifs locaux, permettant à tous de s’approprier le terme de santé et de définir ses conditions d’épanouissement.
L’utopie est plus que jamais convoquée pour échapper au vide qui se profile, pour le combler en revendiquant le droit au plaisir de vivre, de découvrir, d’inventer, de travailler les uns avec (et non contre) les autres.
Il est urgent de faire joyeusement face aux questions universelles de santé pour une vie pleine et digne.

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