Où le Dr S. relate d’un épisode de sa vie en tant que patient et d’une rencontre avec un soignant qui a été un modèle de rôle dans sa formation.
Il est des moments où l’on change de rôle…
Le 28/03/2014, je rentrais à l’Hôpital (où j’avais été interne résident) dans le service de chirurgie (…)
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# Le 18 avril 2014 à 19h17, par Anastasie En réponse à : Rencontres
Hello Docteur S
Moi aussi je suis passée récemment par la case chirurgie, avec toutes ces étapes, et surtout la magie du réveil : de s’être trouvée morte temporaire, se réveiller ressuscitée dans la suaveur des morphiniques, vue trouble et semitorpeur cotonneuse confortable et quel plaisir de planer jusqu’à finalement revenir à soi...
En dehors de cette expérience "toxicomaniaque", j’ai moi aussi bien apprécié l’échange avec les infirmières, mais surtout j’ai été impressionnée par leurs terribles conditions de travail.
A ce sujet je me demandais si tu en avais parlé avec Béatrice : est-ce qu’elle ne pense pas que c’est pire aujourd’hui que quand vous aviez travaillé ensemble il y a 15 ans...? où c’était déjà "limite"...
Celles avec qui j’ai parlé m’ont raconté le stress en continu, le déplacement périodique dans le service voisin quand il a "plus besoin" d’elles que le leur, où pourtant elles sont toujours en sous-nombre, les patients qui tournent tout le temps (comme moi, tu n’es sans doute pas resté plus de 48 heures...?), le manque de temps pour travailler comme elles voudraient et la frustration qui va avec.
L’une d’elles m’a expliqué comme elle élaborait des stratégies : "Je reste 10 minutes dans chaque chambre, pour être sûre d’avoir tout fait, car après je sais que je n’aurai pas le temps de revenir..." tout en s’angoissant en permanence à l’idée qu’il pourrait se passer des problèmes qu’elle n’aurait pas prévus...
Quant à l’aide-soignante, quand je lui ai demandé de retirer le couvercle de la carafe, qui était particulièrement dur à enlever, pour la remplir au robinet de la salle de bains, voyant qu’elle avait eu autant de mal que moi, je lui ai posé la question : "vous faites ça combien de fois par jour ?" réponse : "pour 50 patients"...
Mais ce qui m’a le plus frappée c’est que, parlant avec l’infirmière la plus proche, alors qu’elle me racontait toutes ses difficultés, je lui ai dit au moins 3 fois : "Vous n’êtes pas suffisamment nombreuses..." et jamais elle ne m’a répondu, signifiant par ce silence qu’elle était résignée à ne rien revendiquer.
J’ai appris par la suite que dans ce grand hôpital parisien performant et rénové, le taux d’arrêts de travail était très élevé...
Vive la médecine de pointe et la chirurgie en toute sécurité, mais jusqu’où les soignants vont-il supporter ces conditions de travail et de vie ? Qu’en pense Béatrice ?