Le droit à l’insurrection

Sylvie Cognard
Médecin généraliste

        1. Dans la nuit du 4 au 5 août 1789, la toute nouvelle Assemblée constituante votait l’abolition des privilèges. Les privilégiés de l’époque désignés étaient la noblesse et le clergé.

À écouter nos gouvernants, les privilégiés d’aujourd’hui seraient les fonctionnaires, les retraités, les étudiants, les chômeurs et les exilés qui tous ruineraient la France. Des privilégiés fainéants, qui ne comprennent rien à la politique et à l’économie, des assistés, des fraudeurs… Des « privilégiés » que nos gouvernants et leurs « chiens de garde médiatiques » [1] voudraient persuader, à grands coups de propagande, qu’il n’y a pas d’alternative.

  1. Sur les ondes matin, midi et soir : il n’y a pas d’alternative.

Vous vous exprimez, vous vous mobilisez : cela ne sert à rien, il n’y a pas d’alternative.

Courbez l’échine, serrez-vous la ceinture que diable ! Il n’y a pas d’alternative.

Cheminots, policiers, enseignants, infirmières, aides-soignantes vous gagnez des fortunes et bénéficiez de privilèges exorbitants !

Retraités improductifs, faites un petit effort pour aider les jeunes !

Étudiants, n’imaginez pas que vos études ne coûtent rien, votre éducation est un poids pour la société !

Chômeurs, mais cherchez donc du travail et cessez de frauder !

Étrangers, retournez chez vous, nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde !

  1. Puisqu’on vous dit qu’il n’y a pas d’alternative !

Allez, allez, salariés du privé contre fonctionnaires, vieux contre jeunes, jeunes contre vieux, travailleurs contre chômeurs, français contre étrangers, malades contre bien-portants écharpez-vous ! Pendant ce temps-là, nos actionnaires s’enrichissent, les grandes multinationales échappent au fisc et accumulent les profits.

Eh bien non, pas d’accord ! Nous aimons nos métiers, nous aimons le travail bien fait. Nous ne voulons plus nous laisser dicter nos façons de travailler par des gestionnaires qui n’y connaissent rien. Tous les soi-disant « privilégiés » ont le simple souhait de vivre heureux sans peur du lendemain et ils n’ont rien à voir avec la noblesse et le clergé de 1789. En vrac, démolis, en burn-out, ils en ont marre de subir des maltraitances.

Bien sûr que les alternatives existent ! Demandez-les aux gens de terrain, ils les connaissent très bien.

Le 24 juin 1793 naissait une constitution jamais appliquée… Dommage !

Article premier : le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

Dernier article : quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.


par Sylvie Cognard, Pratiques N°81, mai 2018


[1En référence au film Les nouveaux chiens de garde de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, 2012.


Lire aussi

N°81 - avril 2018

Entretien avec Benjamin Becker

par Françoise Acker, Benjamin Becker, Marie Kayser
Benjamin Becker Cadre infirmier Vous travaillez depuis quelques mois dans un nouvel établissement, pourquoi avez-vous quitté le CHU de Grenoble ? J’ai travaillé comme infirmier aux urgences du …
N°81 - avril 2018

Novembre brisé

par Isabelle Canil
Isabelle Canil Orthophoniste Il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade, disait Fernand Raynaud. Ces trois-là sont pauvres, n’ont même pas le droit d’être là, et l’un d’eux est …
N°81 - avril 2018

L’usage de la douleur de l’autre

par Christiane Vollaire
Christiane Vollaire Philosophe L’exhibition de la souffrance a une histoire, dont participe autant la publicité des supplices que l’affichage des photos de la presse de guerre : c’est l’usage des …
N°81 - avril 2018

Quand on peut donner sens à la douleur

par Sylvie Cognard
Sylvie Cognard Médecin généraliste retraitée L’accouchement est un rendez-vous avec soi-même : son histoire, son corps, son avenir. Un rendez-vous d’une intensité émotionnelle unique qui change …